Le calendrier ne doit rien au hasard. En pleine crise du pouvoir d'achat et alors qu'une nouvelle mandature commence, la proposition de loi communiste présentée mardi en vue d'une « Sécurité sociale solidaire, avec la suppression des barrières financières d'accès aux soins et le remboursement intégral des dépenses de santé » se veut un « un appel à revisiter les choses », résume sobrement la sénatrice communiste du Val-de-Marne, Laurence Cohen.
Cette proposition de loi (PPL) vise « une prise en charge à 100 % des dépenses de santé » par l'Assurance-maladie et, au passage, la fin des dépassements d'honoraires et des franchises médicales. Portée par les sénateurs du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), cette réforme « choc », qui n'a guère de chance de voir le jour, entend au moins « ouvrir le débat » sur un système de santé en très grande difficulté.
Déjà médiatisé par le candidat communiste à la présidentielle Fabien Roussel, le « 100 % Sécu » fait partie des mesures portées par la coalition de gauche (Nupes). Les sénateurs du groupe CRCE souhaitent ainsi « renforcer » la Sécu, dans un contexte sanitaire qui « a révélé les difficultés de notre système de santé et en même temps une grande résistance de notre protection sociale », explique Laurence Cohen.
Renoncement aux soins
La proposition de loi décline en plusieurs articles un projet de Sécu « rénovée du XXIe siècle » : la prise en charge à 100 % par la Sécu de « tout acte prescrit » ; la suppression des dépassements d'honoraires ; l'abrogation des franchises médicales, du forfait hospitalier, du forfait patient urgences (FPU) et du ticket modérateur.
« Les dépassements d'honoraires constituent une cause de renoncement aux soins pour nombre de nos concitoyennes et concitoyens, alors même qu'en 2020, 67 % des spécialistes se sont installés en secteur II, déplorent les sénateurs dans leur argumentaire. Les dépassements d'honoraires n'ont jamais été aussi élevés qu'en 2021 avec près de 3,5 milliards euros déboursés par les assurés sociaux ».
Le texte propose également que l’aide médicale d'État (AME), qui bénéfice aux étrangers en situation irrégulière, soit complètement intégrée au régime général obligatoire d'Assurance-maladie.
Le levier des cotisations patronales
De surcroît, avec cette réforme visant un remboursement Sécu intégral, les activités des mutuelles complémentaires seraient réorientées vers la « prévention et la promotion de la santé », le développement de centres de santé ou encore la gestion des établissements médico-sociaux.
Un tel chantier coûterait jusqu'à 24,5 milliards d'euros par an aux finances publiques, sur la base de données du Haut Conseil pour l'avenir de l'Assurance-maladie (Hcaam), précise Laurence Cohen. Les sénateurs proposent de financer cette réforme « via le rétablissement des cotisations patronales à la branche maladie ». « De nouvelles recettes » qui, pour les sénateurs, passent par « le rétablissement de 6 points » de cotisations patronales exonérées au titre du CICE (crédit d'impôt compétitivité et emploi), permettant « de dégager 22 milliards d'euros ».
Gisement d'économies ?
Mais les parlementaires font valoir également que ce « 100 % Sécu » pourrait procurer des économies « directes ou indirectes », comme la disparition des aides à l'acquisition des complémentaires santé et l'amélioration des soins « en amont » qui éviterait des pathologies aggravées donc plus coûteuses.
Pour Laurence Cohen, ce texte, véritable marqueur de gauche, fait partie des propositions de loi « prioritaires » du groupe. En l'absence de visibilité sur le calendrier parlementaire, son inscription à l'ordre du jour du Sénat, dans le cadre d'une « niche » réservée au CRCE, reste pour l'instant en suspens.
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