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Dossier

Coopérations avec l'hôpital, maisons médicales, plateaux mutualisés

Les spécialistes libéraux jouent collectif

Par Marie Foult - Publié le 12/04/2018
Les spécialistes libéraux jouent collectif


Délais d'attente devenus insupportables dans certains secteurs, volonté des jeunes d'exercer de façon plus collégiale, incitation à l'innovation territoriale : les médecins spécialistes libéraux n'échappent pas au défi de la réorganisation de leur exercice.

L'article 51 de la dernière loi Sécu, qui permettra des expérimentations dérogatoires sur des organisations et financements innovants devrait faire bouger les lignes. 

Côté syndicats également, chacun met en avant l'urgence des regroupements. Dans son nouveau projet politique, le président de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE-CSMF) plaide pour une coopération intraspécialités et le rapprochement entre libéraux et hospitaliers sous la forme d'« entreprises de santé à responsabilité territoriale ». Le syndicat – qui épingle volontiers la « surcapacité hospitalière » de la France – n'hésite pas non plus à s'inspirer des centres ambulatoires de médecine spécialisée sans hébergement tels qu'ils existent en Allemagne.

« L'organisation des spécialistes libéraux entre eux passe par le regroupement, l'exercice isolé n'est plus le modèle en ville », tranche le Dr Pierre-Jean Ternamian, président de la branche spécialiste de la FMF. La quasi-totalité des radiologues ont choisi ce modèle depuis longtemps, notamment pour des raisons économiques.

Secrétariat et plateau technique

Sur le terrain, en zone tendue, les professionnels se retroussent les manches. À Nevers, la « maison des spécialistes » a finalement été ouverte en octobre après des années d'attente. Initiée par le Dr Patrick Bouillot, endocrinologue et président du conseil territorial de santé (CTS) de la Nièvre, elle regroupe plusieurs spécialistes nivernais (gynécologue, stomatologue, endocrinologue et deux ophtalmologistes) et prévoit d'accueillir des consultations de vacation dans des spécialités en tension comme la dermatologie. Mais c'est le futur « centre de ressources » de la maison des spés qui sort du lot. Il a vocation à coordonner les professionnels de santé autour du parcours du patient. « Il sera ouvert à tous les spécialistes libéraux de la Nièvre, et pas seulement à ceux de la maison d'exercice », précise le Dr Bouillot. Outre un secrétariat, il disposera d'un plateau technique, d'une salle de télémédecine ou encore d'un centre d’éducation thérapeutique.

GCS, centres de proximité… 

Le regroupement n'est pas forcément physique, sur un lieu unique. Dans le Sud-Ouest, le long de la côte basque, un groupement de coopération sanitaire (GCS) à grande échelle réunit depuis 2015 les établissements hospitaliers et cabinets de cardiologie. Le Centre hospitalier de la côte basque, à Bayonne, prend en charge l'activité cardiologique interventionnelle. Parallèlement, les sites de consultations maillent le littoral, d’Hendaye à Capbreton en passant par Saint-Jean-de-Luz, Cambo et Biarritz.

Dans le Vaucluse, la mobilisation des spécialistes a fait ses preuves. Depuis 18 ans, les huit cardiologues libéraux du sud du département (Cavaillon, Apt, L’Isle-sur-la-Sorgue) sont organisés en structure d'exercice libéral. Répartis sur trois cabinets, ils couvrent un bassin de 80 000 habitants, effectuent des vacations à l'hôpital et à la clinique de Cavaillon et participent à la permanence des soins. Côté honoraires, la structure encaisse et redistribue les recettes aux médecins, qui perçoivent la même rémunération. Ils sont aussi couverts en cas d'arrêt maladie durant les trois mois de carence.

Séduisant pour les jeunes, le modèle a été salué par l'Ordre des médecins, dans son « Observatoire des initiatives réussies ». « Malgré les difficultés en matière d’accès aux soins, des solutions nées du terrain apportent des réponses concrètes et efficaces dans les territoires de proximité », souligne le CNOM.

« L'organisation des spécialistes peut passer par des centres de proximité ou même des contrats avec l'ARS pour une prise en charge populationnelle, le tout est de laisser le terrain s'organiser », résume le Dr Patrick Gasser (UMESPE). Un message pour les quelque 39 % de médecins spécialistes libéraux qui exercent encore en solo ?

 

Marie Foult