LE QUOTIDIEN : Le traitement antirétroviral est désormais universel. La France recommande depuis 2013 de traiter toute personne séropositive pour le virus VIH quel que soit le taux de CD4, et l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis 2015. Où en est-on des trithérapies aujourd'hui ?
Pr PHILIPPE MORLAT : Les résultats sont très satisfaisants. Pour 90 à 95 % des sujets traités, la charge virale devient indétectable. L'espérance de vie des sujets porteurs du virus est aujourd'hui très proche de celle de la population générale. Malgré tout, le succès n'est pas total. Il reste 5 à 10 % de patients intolérants ou ayant développé des résistances par défaut d’observance. La contrainte d'un traitement quotidien reste là, et certains ont plus de mal que d'autres. De plus, pour bénéficier de ces trithérapies, il faut se savoir porteur du virus. En France, il reste aujourd'hui 25 000 à 30 000 personnes qui ignorent leur séropositivité.
Peut-on considérer aujourd'hui que les trithérapies sont abouties ?
Les choses sont encore perfectibles, notamment sur la tolérance et la mise à disposition de davantage de trithérapies en 1 seul comprimé par jour, sachant que quatre sont d’ores et déjà disponibles. Mais ce sont des petits pas par rapport aux grandes avancées passées. Ces dernières années, l'acceptabilité du traitement s'est nettement améliorée, en ce qui concerne le nombre de comprimés, et les contraintes de prise notamment par rapport au sommeil, à l'alimentation. Les effets secondaires sont désormais plus biologiques que ressentis, il n'y a plus les neuropathies et les lipodystrophies observées au début.
En vieillissant, les patients séropositifs présentent plus de complications à long terme, davantage de problèmes cardio-vasculaires, davantage de cancers, etc. Quelle est la responsabilité des trithérapies ?
Si l'espérance de vie des patients porteurs du VIH est proche de celle de la population générale, il existe toutefois de nombreuses co-morbidités chez les sujets séropositifs. Ceux-ci présentent davantage de facteurs de risque que la population générale, par exemple pour le tabac ou la contamination par des hépatites virales Il y a ainsi davantage de bronchopneumopathie chronique obstructive, d’infarctus du myocarde, de cancers du poumon. De plus les médicaments participent en partie à l'émergence de pathologies chroniques, via des troubles glucidiques, lipidiques, osseux, rénaux. Enfin il ne faut pas oublier le rôle joué par le VIH par lui-même, qui induit un état inflammatoire chronique favorisant l'athérosclérose et une dysimmunité chronique.
On parle de plus en plus d'un transfert vers la médecine de ville du suivi des patients séropositifs. Comment cela s'organiserait-il ?
Les médecins généralistes ont un rôle à jouer auprès de ces patients aujourd'hui stabilisés qui ont des maladies chroniques, indépendamment du VIH et des antirétroviraux. Avant, un patient séropositif qui toussait allait systématiquement à l’hôpital, car on pensait "c'est l'arbre qui cache la forêt". Cela n'a plus raison d’être aujourd'hui. Une visite hospitalière tous les 6 à 12 mois devrait idéalement pouvoir s'articuler avec un suivi de ville. Pour cela, il faut que ce soit accepté de la part du médecin traitant et du patient.
Où en est-on de la guérison fonctionnelle avec arrêt prolongé des traitements ?
C'est encore du domaine de la recherche mais c'est l'étape ultérieure visée. Il faut mettre au point des procédés qui permettent d'arrêter le traitement plusieurs mois voire des années. La possibilité d'une guérison fonctionnelle a été suggérée par quelques patients traités très précocement, comme celui de Berlin ou le bébé du Mississipi. L'essai Visconti a apporté des éléments de réponse avec un traitement très tôt dès la primo-infection, l'essai LIGHT teste l'adjonction d'une immunothérapie au traitement antirétroviral. D'ici un horizon de 5 ans, la guérison fonctionnelle devrait arriver en pratique clinique, sans doute avec un traitement d'induction très fort. Mais un phénomène nouveau, apparu il y a 1 an, va changer la donne. C'est l'arrivée de deux molécules à très longue durée d'action, le cabotegravir et la rilpivirine, administrées en association par voie injectable tous les 2 mois. Des résultats de phase 2b ont été présentés à Boston en février lors du congrès VIH (CROI). Une injection tous les deux mois semble faire aussi bien qu'une trithérapie quotidienne ce qui va être très prochainement évalué par des essais de phase 3. Autrement dit, 6 injections par an suffiraient. C'est un progrès énorme en termes d'observance, ce qui devrait limiter l'émergence de résistance. L'acceptabilité semble majoritaire. Cela devrait arriver assez vite, dans les 2 à 3 ans qui viennent.
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