Comment améliorer le parcours de soins des patients, notamment pour relever le défi du grand « virage ambulatoire » de notre système de santé ? Cette question est largement abordée dans la 12e édition du rapport Charges et produits pour 2018 que l’Assurance Maladie a publié début juillet. Dans ce vaste document, la « Sécu » présente toute une série de propositions pour permettre une « vraie structuration de l’offre de soins coordonnés » : un soutien aux maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et aux centres de santé, la généralisation du dossier médical partagé en 2018, le déploiement de la télémédecine, l’expérimentation de « nouveaux modèles organisationnels et de financement » pour renforcer la structuration des soins de ville, sur le modèle des Accountable care organizations aux Etats-Unis (lire-ci contre).
Mais l’assurance-maladie prend aussi des exemples concrets, comme celui de la prise en charge de l’épilepsie. Une pathologie pour laquelle 273 800 personnes étaient en ALD en 2015. Le rapport souligne que le diagnostic de l’épilepsie repose sur un interrogatoire et un examen clinique associé à un électroencéphalogramme (EEG) et à une imagerie cérébrale par IRM. « Il est essentiel que les malades puissent accéder au neurologue/neuropédiatre et à la réalisation d’un EEG pour permettre le diagnostic positif de la maladie et mettre en place le traitement adapté », indique le rapport, en ajoutant que l’EEG est par ailleurs utile pour le suivi des patients épileptiques, pour décider ou non du maintien du traitement en fonction de l’évolution de l’état clinique.
Bref, le recours au neurologue spécialiste est crucial. Or, celui-ci est loin d’être optimal, comme le montre l’analyse des données sur les 58 000 patients ayant eu une première délivrance de traitement en 2014. On constate que seulement 55,7 % des patients ont été en contact avec un médecin spécialiste dans les trois mois précédant l’instauration du traitement. Et seulement 64, 1 % ont consulté un médecin spécialiste dans l’année qui a suivi. « Pour 22 % de ces malades, aucun contact n’est retrouvé avec un médecin spécialiste dans les trois mois qui précèdent et les douze mois qui suivent la première délivrance du traitement, avec donc un suivi uniquement assuré par le généraliste », indique le rapport.
De façon très opportune, l’assurance-maladie s’est aussi penchée sur l’activité des 849 neurologues libéraux en exercice en 2015 pour constater qu’ils suivent en fait assez peu de patients épileptiques. Leur activité repose principalement sur les consultations l’électromyographie (EMG) et les mesures de vitesse de la conduction. « Ces trois actes représentent 91 % des honoraires totaux de neurologues libéraux en 2015. En revanche, l’électroencéphalographie (EEG) ne compte que pour 3 % des honoraires totaux et un neurologue sur deux (51 %) n’a pas réalisé d’électroencéphalogramme en 2015 », souligne le rapport, en ajoutant, que durant cette même année, seulement 13 % des patients susceptibles d’être atteints d’une épilepsie, étaient suivis par un neurologue libéral.
L’assurance-maladie constate que d’autres pays ont mené diverses actions pour améliorer le parcours des patients épileptiques. L’Irlande, l’exemple le plus abouti, a instauré un nouveau modèle de soins avec la création d’une cohorte d’infirmier(e)s qualifié(e)s, l’introduction d’un dossier médical spécifique ainsi que l’utilisation d’algorithmes dans les services d’urgence pour rationaliser la prise en charge de ces patients. « Les premiers résultats (baisse du nombre d’admissions hospitalières) ainsi que les premiers retours patients témoignent du potentiel de ce type de programme », souligne le rapport. En Angleterre, un modèle de filières de soins graduées a été mis en place avec des centres de référence pour les malades les plus graves, permettant un accès large à l’EEG assuré par des infirmières spécialisées.
En partant de ces exemples, l’assurance-maladie fait plusieurs propositions pour restructurer le parcours de soins du patient épileptique. Elle suggère que l’accès à l’EEG pourrait être facilité en confiant la réalisation de cette tâche à des infirmières, avec une interprétation des tracés par des neurologues dans le cadre de la télémédecine. Ces infirmières seraient formées à la pratique de l’EEG et pourraient être présentes dans des établissements de proximité. Ces actions pourraient être expérimentées dans deux ou trois territoires afin d’en évaluer la faisabilité selon la « Sécu », qui propose aussi de promouvoir des « organisations territoriales répondant aux mieux aux besoins des patients épileptiques », en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé et les groupements hospitaliers de territoire.