« On voudrait tuer le généraliste libéral, on ne s'y prendrait pas autrement », clame le Dr Stéphane Pinard, président d'UG (FMF)

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Publié le 16/12/2020
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Crédit photo : DR

Président d'Union généraliste (UG, branche MG de la FMF) depuis le début du mois d'octobre, le Dr Stéphane Pinard a été rapidement plongé dans le bain des négociations conventionnelles avec l'Assurance-maladie. Une immense déception pour le généraliste de Belle-Île-en-Mer, qui juge que tout est « précipitation, confusion, complexification » dans le système de santé actuel. 

Vous avez rédigé plusieurs « billets d'humeur » sur le système de santé en France. Qu'est-ce qui ne va pas, selon vous ?

Tout simplement l'offre de soins en médecine générale et spécialisée ! Il faut rester simple : 6 millions de Français n'ont pas accès à un médecin traitant, le directeur général de l'Assurance-maladie l'a rappelé récemment. Pour un Français lambda, trouver un généraliste est compliqué, et quand on en a un, c'est compliqué de le voir.

Et moi, en tant que médecin généraliste, j'ai les pires difficultés à trouver un rendez-vous de spécialiste pour mes patients. Sur une journée de consultation, il m'arrive d'appeler quatre fois pour avoir un rendez-vous de cardiologie, d'endocrinologie, d'IRM ou de neurologie. Et ensuite, il y a souvent des mois d'attente. Or, ce n'est pas forcément aux généralistes de faire ça, le système devrait tourner beaucoup plus facilement. Les problèmes sont là, et selon moi, on ne trouve pas les bonnes solutions.

À quoi pensez-vous ?

De manière générale, toutes les solutions trouvées sont prises dans l'urgence, à l'emporte-pièce et ne répondent qu'à une partie du vrai problème de fond, qui est que le système de santé ne fonctionne plus. On voudrait tuer le médecin généraliste libéral, on ne s'y prendrait pas autrement !

Pourquoi seulement 10 % des étudiants en médecine s'installent d'emblée en libéral, malgré toutes les aides ? On ne leur donne pas cette envie. Les CPTS [communautés professionnelles territoriales de santé] proposées par l'Assurance-maladie, pourquoi pas, mais ce n'est pas l'urgence. Idem pour les assistants médicaux, qui sont une usine à gaz dont le financement s'arrête après trois ans. Pareil pour les professions intermédiaires voulues par la députée Stéphanie Rist : il n'y a déjà pas assez d'infirmiers et de médecins, pourquoi inventer une nouvelle catégorie de professionnels ?

Quant au service d'accès aux soins (SAS, prochainement expérimenté), on est en train d'échafauder un système de soins non programmés pour désengorger les urgences, c'est-à-dire pour répondre à un problème de démographie médicale que les politiques ont eux-mêmes créé. Si les gens vont aux urgences, c'est aussi que le médecin traitant n'est pas disponible et ne peut pas donner de rendez-vous, car il est déjà saturé. Là, on va en plus enlever de potentiels effecteurs pour faire de la régulation. Il aurait fallu un système incitatif, le contraire de ce qui est proposé dans l'avenant 9, trop compliqué, qui donne envie de fuir !

Que faudrait-il faire ?

Il faut des signaux forts pour que les médecins s'installent en libéral. Avec la FMF, on y réfléchit depuis un moment. En premier lieu, il faut valoriser les actes car la consultation à 25 euros, avec toutes les charges à déduire, ne permet pas à tous les généralistes d'avoir un cabinet digne de ce nom avec un secrétariat et du matériel informatique ou de quoi faire des échographies par exemple. Je ne donnerai pas de montant idéal pour la consultation car cela ne veut rien dire, c'est un piège. Il faut en discuter avec tout le monde. En revanche, pour les visites, toutes longues par définition, le tarif doit être valorisé à 70 euros.

Vous estimez aussi que l'exercice libéral est pollué par l'administratif… 

Il faut simplifier vraiment notre exercice. À commencer par la ROSP clinique [rémunération sur objectifs de santé publique], que l'on pourrait transférer sur la consultation. Il faut n'en garder que quelques indicateurs, à changer régulièrement.

Il faut aussi simplifier la nomenclature, qui a trop de codes et de lettres clé. Elle devrait tenir en deux ou trois pages seulement ! Il faut aussi simplifier tout ce qui est administratif, les certificats, les renouvellements d'ordonnance, les lettres pour le médecin correspondant… Enfin, il faut mieux protéger les médecins, qui sont mal pris en charge au niveau de leur santé, même s'il y a eu des avancées sur les délais de carence et la maternité.

En partant de cette base de travail solide, généralistes et spécialistes se réinstalleront en libéral. Une nouvelle offre de soins en ville se rouvrira et automatiquement les soins non programmés se corrigeront et les urgences pourront se désengorger.


Source : lequotidiendumedecin.fr