Vous avez dit santé environnementale ?

Publié le 16/09/2022
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VU PAR ALICE DE MAXIMY - Comment, au regard de l’été que nous venons de passer et des études publiées, peut-on encore douter du réchauffement climatique et de la responsabilité de l’Homme dans ce phénomène, et nier les impacts directs et indirects sur notre santé ? Mais tant que les conséquences de notre mode de vie ne nous atteignent pas directement, nous ne bougeons pas.

Crédit photo : DR

Le climatoscepticisme est aux sciences environnementales, ce que le platisme est à l’astrophysique : une absurdité bornée. Les faits sont là. Le taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère connaît une croissance linéaire depuis plus de 30 ans, et représente près de 150 % du niveau préindustriel. La température moyenne planétaire a augmenté de plus de 1 °C depuis cette même période. La catastrophe écologique est en cours. La sixième extinction de masse a bel et bien lieu… L’Homme détériore l’écosystème de la planète entière, entraînant ainsi la disparition de milliers d’espèces qui, par effet boule de neige, entraîne l’anéantissement de milliers d’autres dont le cycle de vie dépendait des premières.

Or Homo sapiens est bien une espèce… Nous gâtons nos vivres et nous détruisons l’atmosphère de notre seul et unique vaisseau spatial. Bref nous rendons l’endroit inhabitable comme dans l’animé 3D Wall-E. Et même si l’on fait fi de l’éthique environnementale (ce qui m’est difficile en tant que biologiste), les conséquences de notre comportement demeurent dramatiques pour… la santé humaine présente et future. En d’autres termes, nous nous faisons hara-kiri.

En juin 2019, dans une étude Ipsos, 90 % des Français avaient conscience de la réalité de la situation. Et pourtant en 2021, 31 % des Français considèrent la transition écologique « peu urgente » et seuls 20 % d’entre eux évitent de prendre leur voiture… Cette dualité est responsable du désastre annoncé.

Dans le milieu des années 2000, un programme Prévention santé et environnement a vu le jour à l’INPES. Il comportait la lutte contre l’habitat indigne, la qualité de l’air intérieure, les risques liés au monoxyde de carbone et au radon. En d’autres termes, il était porté sur l’intérieur de l’habitat et sur une action individuelle. On y disait qu’il fallait aérer les logements, on menait des actions contre les moisissures, on disait de ne pas multiplier les produits ménagers. Une couche de peinture sur le plâtre humide. Près de 20 ans plus tard, la raison primaire de la pollution de l’air intérieur (produits toxiques dans les mobiliers, peintures justement, produits ménagers…) est toujours existante comme l’atteste le guide pour une meilleure qualité de l’air des structures accueillant des enfants ou des adolescents du ministère de l’écologie.

Un système dysfonctionnel entier

Quant à la lutte pour la qualité de l’air extérieure… On pense qu'un décès sur cinq dans le monde serait dû à la pollution de l’air. En France, elle serait responsable, selon les estimations, de 48 000 à 100 000 décès prématurés par an. Elle nous coûterait 70 à 100 milliards d’euros par an. Vous imaginez l’investissement que cette somme pourrait représenter ? Nous vivons avec des indices de qualité de l’air, comme s’il était normal d’avoir un niveau « faible » de qualité de ce que nous respirons ! Et si la situation sur la capitale s’améliore doucement, les recommandations de l'OMS étaient encore largement dépassées, notamment pour l’O3 et certains polluants en 2020. Qui en a entendu parler ?

Quant aux produits agricoles toxiques, aux perturbateurs endocriniens dans les produits que nous mangeons… Ils sont toujours là. Les associations de défense aussi. On agit quand les scandales éclatent, les normes s’installent petit à petit à petits, les intérêts s’affrontent. Un agent toxique est souvent remplacé par un autre ; alors que les solutions non polluantes comme la permaculture existent. Elles supposent cependant apprentissages et changements des habitudes.

Nous sommes donc face à un système dysfonctionnel entier, dont les priorités ont été inversées pendant des années… Avec un environnement et une santé qui passaient au second plan, car dépendants d’enjeux économiques et politiques jugés plus importants. Et si les temps changent et que les actions publiques se multiplient, elles restent encore trop peu nombreuses ou trop lentes… L’Union Européenne a, par exemple, adopté en 2021 un plan d’action zéro pollution pour l’air, l’eau et les sols, d’ici à… 2050 ! Il faut donc agir individuellement pour que cela devienne collectif.

Mais chacun d’entre nous a-t-il vraiment la volonté de faire un réel effort personnel, pour le bien commun ? J’en doute. Il y a 15 ans, j’avais participé à une étude qui avait dévoilé que : si le risque est loin dans le temps, et loin géographiquement, alors les individus ne se sentaient pas concernés. Si je provoque : nous sommes une espèce animale, avec des réflexes d’animaux. Tant que les conséquences de notre mode de vie ne nous atteignent pas directement, nous ne bougeons pas. Souvenez-vous des débuts de Covid : le risque était lointain, pourtant connu, et nous n’avions pas de stock de masques ! À cela s’ajoutent les biais inconscients, ancrés, comme « profiter de l’instant présent », consumériste ; ou le « déni », que certains appellent optimisme ; biais qui minimisent la situation pour la rendre plus supportable, et qui laissent aux… autres, le soin de l’améliorer.

À nous, alors, d’être ces autres.

Alice de Maximy

Source : Le Quotidien du médecin