Cannabis, prise en charge du TDAH, consommation de psychotropes, rôle des usagers et aidants : à travers quatre thèmes soumis à discussion publique, l'Académie nationale de médecine s'est attelée ce 15 juin à lever (ou du moins mettre en lumière) les ambiguïtés et confusions qui existent en psychiatrie.
Qui pour soigner quoi ?
La question du rôle de chacun, généraliste, psychiatre, ou encore association de pairs et de proches, n'a pas manqué de surgir au cours d'une conférence de presse en amont. Selon un sondage de l'Académie, mis en ligne sur le site du « Quotidien », 79 % des quelque 180 lecteurs interrogés estiment que le médecin traitant est en position de diagnostiquer un trouble psy. Et face à un patient qui sollicite une prescription de tranquillisants, seulement 7,7 % lui proposent de prendre l'avis d'un spécialiste, tandis que près de la moitié dit évaluer la réalité du besoin et près d'un quart, mettre en garde contre un risque d'accoutumance.
« Tout dépend de ce qu'on entend par médecin traitant. Oui, dans la mesure où il est réputé connaître la personne et son mode de fonctionnement, mais d'autres critères entrent en jeu, comme le temps de la consultation à 25 euros, la formation… », a réagi le Pr Olié, psychiatre et académicien. « Il est le mieux placé, certes, mais est-il le plus compétent ? », enchérit son confrère, le Pr Jean Adès.
Une question d'autant plus aiguë que le collectif Schizophrénies - dont l'une des responsables est intervenue à l'Académie - a publié ce 15 juin dans le « Monde », une tribune estimant que « la santé mentale est une chose trop grave pour être confiée aux seuls psychiatres ». Parmi ses demandes : la reconnaissance des thérapies psychosociales dans le futur décret réformant les soins en psychiatrie.
Si les psychiatres restent pierre de touche à la prise en charge des troubles psychiatriques, de nouveaux liens semblent se tisser, non seulement avec les familles et associations d'usagers, mais aussi avec des acteurs de la communication ou de la publicité. C'est notamment ce que suggère le Pr Olivier Cottencin, du CHU de Lille, dans le domaine de la prévention primaire aux addictions - la secondaire et l'individuelle restant aux mains des médecins.
« Plutôt que de répéter des messages obsolètes sur l'alcool et le cannabis, inefficaces voire incitatifs, et parce que les adolescents sont peu réceptifs à des arguments sanitaires, il faut changer les codes de communication, et mettre en avant, par exemple, l'honorabilité ou le contrôle de soi en soirée », a-t-il proposé.
Du bon usage des médicaments ou réseaux sociaux
Les médias font aussi partie des partenaires avec lesquels il faut compter, a souligné Nathalie Pauwels, chargée du déploiement du programme Papageno (Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale des Hauts-de-France). « Le suicide est contagieux, et parmi les déterminants, il y a la diffusion médiatique inappropriée, l'effet werther. Mais il existe aussi des opportunités de prévention », assure-t-elle.
De même, pas question de diaboliser les réseaux, met-elle en garde, exemple vertueux à l'appui : valoriser la parole des adolescents qui dénigraient le Blue Whale Challenge (cinquante défis dont le dernier est un suicide) a pu avoir un effet protecteur efficace sur les plus vulnérables. Alors qu'un simple « Attention danger » aurait au contraire nourri la logique transgressive des ados.
Enfin, les psychiatres ont alerté contre des représentations manichéennes ou trop synthétiques. Notre société est-elle sous tranquillisant ? Le Pr Jean-Pierre Olié, Académicien, appelle à dissiper les confusions entre antidépresseurs, antipsychotiques, thymorégulateurs, et autres tranquillisants, dont les benzodiazépines. « Oui, la France doit diminuer sa consommation de benzo, trop souvent utilisés dans les troubles du sommeil, trop souvent chez les personnes âgées ; mais par ailleurs, seulement 30 % des dépressions sont traitées », note-t-il. Et d'inciter à revenir à une bonne utilisation des médicaments.
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