Une étude publiée cette semaine dans « Molecular psychiatry » vient étayer l'hypothèse selon laquelle les anti-inflammatoires pourraient améliorer les symptômes dépressifs chez certains patients.
Les chercheurs, de l'université de Cambridge en Grande-Bretagne, ont analysé les données de 20 études concernant l'effet d'une classe récente d'anti-inflammatoires – les anti-cytokines – sur plusieurs pathologies inflammatoires, comme la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn ou la spondylarthrite ankylosante. En s'intéressant aux bénéfices secondaires potentiels apportés par ces molécules, ils ont pu montrer que les anti-cytokines possédaient un effet antidépresseur significatif, indépendant de leur action sur l'affection physique des patients.
« Autrement dit, quelle que soit l'efficacité de l'agent sur, par exemple, la polyarthrite rhumatoïde, on observe par ailleurs une amélioration des symptômes dépressifs du patient », explique l’auteur principal de l’étude, le Dr Khandaker.
Parmi les molécules étudiées, l'adalimumab, l'étanercept, l'infliximab et le tocilizumab réduisaient toutes la sévérité de la dépression de manière significative dans ces études.
Un tiers des patients résistants aux antidepresseurs
De tels résultats génèrent de l'enthousiasme en psychiatrie. En effet, « un tiers des patients dépressifs chroniques ne répondent pas aux traitements actuellement disponibles, qui ciblent tous un certain type de neurotransmetteurs », explique le Dr Khandaker. « Chez ces patients résistants, un tiers présente un certain degré d’inflammation dans le cerveau. Il est donc possible que les anti-inflammatoires représentent une nouvelle voie de traitement pour un grand nombre de patients dépressifs. »
Depuis plusieurs années, les preuves reliant dépression (ou autres maladies psychiatriques) et inflammation du cerveau s’accumulent. En 2015, par exemple, une étude publiée dans « JAMA psychiatry » révélait une inflammation supérieure de 30 % dans trois régions du cerveau (cortex préfrontal, cortex cingulaire antérieur et insula) chez des personnes déprimées, par rapport aux sujets non déprimés. La cause de cette inflammation reste à élucider, certains privilégiant la piste infectieuse, d’autres évoquant l’expression d’une maladie auto-immune. Plus récemment, une méta-analyse française publiée dans « Acta Psychiatrica Scandinavica » montrait que la dépression était liée à l'augmentation d'une cytokine pro-inflammatoire, l'interleukine-1β (IL-1β).
Balance bénéfices-risques
Il a rapidement été suggéré que, chez les patients dépressifs présentant un niveau élevé d’inflammation dans le sang, de petites doses d’anti-inflammatoires pourraient être ajoutées aux traitements antidépresseurs habituels. Reste à faire la balance entre les bénéfices recherchés et les effets indésirables potentiels… L’année dernière, une étude dans le « British Medical Journal » révélait, par exemple, que la prise d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) pendant un traitement antidépresseur était associée à un risque accru d’hémorragie intracérébrale ou gastro-intestinale.
L'étude publiée dans « Molecular Psychiatry » porte sur une autre classe d'anti-inflammatoires, utilisée chez les patients qui ne répondent pas aux traitements conventionnels pour l'arthrite rhumatoïde, le psoriasis ou la maladie de Crohn. Mais ces agents biologiques ont leurs propres effets indésirables, notamment un risque accru d'infections, de maladie auto-immune ou même de cancer.
« Il est trop tôt pour dire si les anti-cytokines peuvent être utilisés en clinique pour traiter la dépression. Il faudra réaliser des essais cliniques pour évaluer leur efficacité, mais aussi leurs effets secondaires, chez des patients dépourvus de maladies inflammatoires "traditionnelles", pour lesquels les anti-cytokines ont initialement été conçus », a confié le Dr Khandaker au « Quotidien ».
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie
L’orchestre symphonique des médecins de France donne un concert « émouvant » en hommage aux victimes du cancer du sein