La Cour des comptes étrille la prestigieuse École des hautes études en sciences sociales (EHESS), dans un référé envoyé au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. L’école, fondée en 1947, compte près de 1 500 doctorants, et 467 enseignants-chercheurs. Réputée pour son excellence, l’EHESS « représente près de 10 % des citations scientifiques en sciences humaines et sociales », précise la Cour des comptes.
Après examen de la gestion de l’école, la Cour des comptes pointe notamment une gouvernance « déséquilibrée et autocentrée », uniquement concentrée autour des enseignants-chercheurs. Elle regrette ainsi que la gouvernance de l’école soit « fermée aux personnels techniques et administratifs, ainsi qu’aux étudiants ». L’intégration d’étudiant dans la gouvernance est, en effet, une demande de longue date de certains enseignants de l’EHESS.
Un recrutement « fortement endogène »
La Cour des comptes critique également les « risques d’entre-soi » liés aux modalités de recrutement particulières des enseignants-chercheurs à l’EHESS. Alors que ce statut est normalement soumis à concours, comme c’est le cas au CNRS par exemple, « les concours de l’EHESS sont effectués par une campagne annuelle où l’ensemble des postes sont ouverts sous un intitulé unique et générique de « sciences sociales » et sans diffusion des profils de poste, ce qui est une source d’opacité et de rupture de l’égalité des candidats diversement informés », analyse l’instance.
Un recrutement « lourd », « peu transparent » et « fortement endogène » insiste encore la Cour, avec pour conséquence un avantage exagéré des candidats internes. Elle demande ainsi davantage d’ouverture aux candidats externes - universitaires ou CNRS - et des publications d'offres en bonne et due forme. « Je souligne que les postes offerts aux concours de l’EHESS, ainsi que leurs profils, sont publiés sur Internet », rétorque quant à elle Frédérique Vidal, en réponse au référé de la Cour des comptes.
Au sein d’une partie des enseignants-chercheurs de l’EHESS, c’est l’incompréhension et l’atterrement. L’un d’entre eux précise au « Quotidien » que les recrutements sont totalement transparents et rigoureux. Ils se font par vote d’une assemblée de 150 enseignants-chercheurs, à bulletin secret. Il précise par ailleurs que de plus en plus de doctorants sont étrangers à l’EHESS.
Du côté du président de l’École, Christophe Prochasson, même son de cloche : « Je nie formellement cet entre-soi. D'abord parce que nos modes de recrutement sont très soigneux. Nous y passons beaucoup de temps, d'ailleurs la Cour nous le reproche presque, en nous disant que c'est très chronophage. Oui, c'est chronophage de recruter des enseignants-chercheurs parmi les meilleurs. Mais il n'y a aucune opacité. Les règles sont sur la table et elles sont connues », explique-t-il sur France Culture.
Taux d'échec
Plus inquiétant : un manque de suivi des étudiants est constaté. « L’accompagnement des étudiants est encore insuffisant pour leur garantir un niveau de réussite satisfaisant, comme le montre le taux d’échec de 39 % en master 2 », indique la Cour des comptes.20 % des diplômés de master poursuivent en doctorat à l’école.
Julie, étudiante à l’EHESS Marseille, décrivait en avril dernier sur son blog de Mediapart ses difficultés : « Je souhaite dénoncer le fonctionnement d'une école qui vit renfermée sur elle-même, et qui n'a malheureusement que trop souvent peu, voir aucun, intérêt pour ses élèves. Énormément de jeunes ne sont même pas allés jusqu'à la fin du master et ont lâché en cours de route faute de soutien de la part des enseignant.e.s. L'EHESS Marseille ne pousse pas ses élèves à faire de la recherche, à poursuivre leurs études. Les magouilles régissent malheureusement souvent les grandes écoles et le piston de l'un ou de l'autre vous feront passer derrière, et vous verrez les portes se claquer violemment ».
Des thèses « anormalement longues »
Autre critique, la Cour des comptes regrette également une durée « anormalement longue » des thèses effectuées à l’EHESS. 40 à 45 % des thèses durent ainsi plus de 6 ans. En cause : « des taux de financement sur contrat doctoral de l’EHESS très faible pour un établissement d’un tel niveau ». Dans les faits, seules un quart des thèses sont financées, le reste des doctorants étant contraints de travailler à côté. « Une réflexion a été initiée sur les financements des thèses », indique pour sa part Frédérique Vidal, qui note tout de même que le taux d’abandon en doctorat est en baisse « passant de 12 % en 2017-2018 à 7,1 % en 2019-2020 ».
Alors que les sciences humaines et sociales sont souvent considérées comme le parent pauvre de la recherche française, certains à l’EHESS s’interrogent quant au moment choisi pour cette publication de la Cour des comptes. Un rapport devrait être émis par l'école courant juin pour répondre aux différents points évoqués par la Cour des comptes.
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