Essai clinique de Rennes : débats autour du protocole

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Publié le 22/01/2016

Alors que trois enquêtes sont en cours sur l'accident mortel de l'essai thérapeutique de Rennes, le protocole clinique de l'étude est au cœur des débats. Diffusé le 21 janvier par « le Figaro », avant toute réaction de l'Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM), il a suscité de nombreuses réactions d'experts.

En cause : un calendrier jugé trop serré dans le déroulement des faits, notamment entre la soumission du protocole à l'ANSM et sa validation, et la place du placebo et l'intégration de femmes en âge de procréer dans cette étude de phase 1. Soit autant d'éléments qui semblent témoigner d'une certaine précipitation à passer en phase 2.

Ralentissements juridiques

La position de l'ANSM, refusant dans un premier temps de rendre public ce protocole a alimenté les questionnements. Celle-ci a finalement rendu public officiellement, ce 22 janvier, le protocole de l’essai clinique BIA-102474-101 du laboratoire Bial. Il décrit les conditions et l’encadrement de l’essai réalisé dans le centre de recherche Biotrial.

L'ANSM argue de ralentissements juridiques. La loi française du 29 décembre 2011 stipule, en effet : « Dans un délai de quinze jours, le promoteur peut exprimer son opposition dûment motivée. Il peut également donner son accord sous réserve de l'occultation dûment justifiée de certains éléments. » L’ANSM s’est ainsi vu refuser par le laboratoire Bial, au nom de la protection du secret industriel, la publication de deux autres documents : le dossier du médicament expérimental informant sur les aspects pharmaceutiques et la brochure pour l’investigateur qui fournit notamment des informations sur les études conduites chez l’animal.

Précisions de l'ANSM

Concernant l'hypothèse d'une possible précipitation à donner son autorisation, elle précise que, contrairement à ce qui est évoqué dans « le Figaro » du 22 janvier, ce protocole n'a pas été autorisé en octobre 2015 mais « le 26 juin 2015 et approuvé par le Comité de protection des personnes (CPP) le 3 juillet 2015. »

L'essai de Rennes était un essai de phase 1, dit « d'escalade de doses ». Dans la première partie, chaque sujet devait recevoir une dose unique. Il était prévu huit paliers de dose, avec, à chaque palier, six volontaires testant la molécule, et deux autres recevant un placebo. Les doses prévues étaient : 0,25 mg puis 1,25 mg (soit 5 fois plus), puis 5 paliers en doublant à chaque fois (2,5-5-10-20 et 40 mg) et enfin, un dernier palier à 100 mg. C'est seulement à la première dose que les six sujets n'étaient pas traités simultanément : un premier volontaire était traité et les autres l'étaient, 24 heures après.

Un protocole trop ambitieux ?

Interrogé par « le Quotidien », le Pr Chast, chef du service de pharmacologie de l'hôpital Cochin, reste perplexe sur la teneur de ce protocole qui lui semble  très ambitieux pour un essai de phase 1 : « Certains objectifs attendus relèvent plutôt d'un essai de phase 2 ou 3, tels que l'impact de la molécule sur les neuromédiateurs ou les effets pharmacologiques. Or, les essais cliniques sont bâtis habituellement pour offrir une réponse séquentielle à chaque étape. Ce qui est aussi un moyen limiter les risques pour les volontaires. »

Il rappelle, de plus, que cet essai portant sur une nouvelle classe thérapeutique, « il semble prudent d'avancer progressivement ». En tout état de cause, l’ANSM a annoncé la mise en place d’un comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) pour analyser l’ensemble des données existantes sur la classe pharmacologique des inhibiteurs de la FAAH (Fatty Acid Amide Hydrolase) utilisée dans cet essai. 

 


Source : lequotidiendumedecin.fr