Alors que la piste des antidépresseurs est évoquée dans le Covid, les résultats d'une large étude randomisée concernant la fluvoxamine viennent d'être publiés dans « The Lancet Global Health ». L'essai Together fait état d'une réduction du risque de surveillance prolongée aux urgences ou d'hospitalisation chez les patients pris en charge en ambulatoire pour un diagnostic précoce de Covid et à risque élevé de forme grave. Des résultats sur la mortalité sont toutefois attendus pour confirmer le bénéfice.
« Le Covid continue de poser un risque pour les personnes vivant dans des pays à faibles ressources et ayant un accès limité aux vaccins, rappelle le Dr Edward Mills de l’université McMaster (Canada), co-investigateur principal de l’essai. Il est donc important d’identifier des thérapies peu coûteuses, largement accessibles et efficaces, et il est particulièrement intéressant de réorienter les médicaments existants qui sont largement disponibles et dont les profils d’innocuité sont bien compris. »
La fluvoxamine, cet inhibiteur sélectif du la recapture de la sérotonine utilisé dans la dépression, pourrait avoir un intérêt dans la prise en charge du Covid du fait de ses propriétés anti-inflammatoires.
Moins de risque de surveillance prolongée
Les patients recrutés dans onze sites au Brésil ont été randomisés en deux groupes entre janvier et août 2021 : 741 ont reçu de la fluvoxamine (100 mg deux fois par jour pendant dix jours) et 756 un placebo. Le traitement a été entrepris dans les sept jours suivant l'apparition des symptômes. L'âge moyen était de 50 ans, avec 58 % de femmes.
Le critère principal était composite, défini par le maintien en service d’urgence pendant plus de six heures ou par le transfert en hôpital tertiaire en raison du Covid à J28. Il a été rapporté chez 11 % des patients sous fluvoxamine contre 16 % des patients du groupe placebo, avec une réduction du risque relatif de 32 % (RR = 0,68, avec une probabilité de supériorité de 99,8 %).
Interrogée par le Science Media Centre britannique, la Pr Penny Ward, pharmacienne au King’s College de Londres, estime que la différence observée entre les deux groupes « était principalement due au nombre de patients nécessitant six heures d'observation médicale plutôt qu'à ceux ayant besoin d’être admis pour un traitement hospitalier ».
Des résultats similaires ont été rapportés dans l'analyse en intention de traiter modifiée avec une réduction du risque relatif de 31 % (RR = 0,69) et l'analyse per protocole a montré un bénéfice plus marqué de la fluvoxamine, avec une réduction du risque relatif de 66 % (RR = 0,34).
La mortalité n'a pas été évaluée en tant que critère principal, mais les résultats obtenus dans l'analyse en intention de traiter (c'est-à-dire sans changement de groupe) sont en faveur de l'antidépresseur, avec 17 décès dans le groupe traité contre 25 dans le groupe placebo (OR = 0,68). Et dans la population per protocole (c’est-à-dire dont le protocole a été suivi en totalité), aucun décès n'a été rapporté dans le premier groupe contre 12 dans le second (OR = 0,09).
Par ailleurs, aucune différence significative n'a été observée entre les deux groupes concernant les effets indésirables.
Des résultats prometteurs mais insuffisants
La Pr Ward souligne les limites de l'étude, qui « comprennent la non-inclusion des cas survenus post-vaccination et l’utilisation d’un critère de "substitution" (nécessité d’une observation médicale pour les symptômes de Covid supérieure à six heures) comme critère principal composite (nécessité d’une observation médicale pour les symptômes de Covid supérieure à six heures ou hospitalisation) plutôt que de combiner les principaux résultats (hospitalisation, admission en soins intensifs et décès) pour l'analyse ». Ainsi, si elle salue des résultats prometteurs, elle estime que l'effet de la fluvoxamine sur des critères plus sévères est incertain.
Dans un commentaire, Otavio Berwanger de l'Academic Research Organisation of Hospital Israelita Albert Einstein (São Paulo, Brésil) va en ce sens : « La réponse définitive concernant les effets de la fluvoxamine au niveau individuel, tels que la mortalité et les hospitalisations doit encore être examinée ». Reste également à déterminer le schéma thérapeutique optimal de la fluvoxamine et si elle a un effet additif avec d'autres traitements, comme les anticorps monoclonaux, poursuit-il.
Together, fruit d'une collaboration entre le Brésil, le Canada et les États-Unis, est un essai adaptatif évaluant différents traitements repositionnés en plus de la fluvoxamine : l'hydroxychloroquine, le lopinavir-ritonavir, la metformine, l'ivermectine, la doxasozine et l'interféron lambda pégylé.
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