C'est une vraie surprise. Dans des pays développés européens comme la France, la prise en charge des grands prématurés est loin d'être optimale, comme le révèle l'étude EPICE (Effective Perinatal Intensive Care in Europe) publiée dans le « BMJ ».
Selon cette étude menée dans 19 régions de 11 pays européens, seulement 60 % des enfants nés avant 32 semaines d'âge gestationnel reçoivent quatre interventions essentielles « sur lesquelles tout le monde est d'accord car elles ont prouvé leur efficacité sur la morbidité et la mortalité », souligne Jennifer Zeitlin, directrice de recherche Inserm et premier auteur de cette étude affiliée en France à l'étude nationale EPIPAGE 2.
Un constat saisissant
« Tous les pays ont été surpris par les résultats, poursuit-elle. Belgique, Danemark, Estonie, France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Suède, Royaume-Uni, tous s'attendaient à faire mieux. Même les pays qui atteignaient les taux les plus élevés d'utilisation, comme l'Angleterre ou l'Allemagne, n'ont que 75 % d'enfants ayant eu une prise en charge complète ». Autrement dit, même chez les meilleurs, un enfant sur 4 ne reçoit pas ces pratiques essentielles.
« Chaque pratique prise séparément est largement utilisée, pour environ 80 % des enfants concernés, développe l'épidémiologiste. On a alors l'impression que la prise en charge est bonne. C'était une grande surprise en y regardant de plus près, de voir que ces mesures essentielles ne sont pas systématiquement appliquées toutes ensemble. La plupart des enfants reçoivent seulement 2 ou 3 de ces pratiques ».
Faire mieux pour baisser la mortalité
Car il s'agit bien de pratiques essentielles. « On a même été peut-être trop larges, commente Jennifer Zeitlin. Certains d'entre nous voulaient être plus restrictifs. » Le groupe de travail EPICE a sélectionné des pratiques consensuelles, reconnues et très connues : naître dans une maternité de niveau élevé, administration de corticostéroides en anténatal, prévention de l'hypothermie et administration de surfactant dans les 2 premières heures de vie ou ventilation nasale en pression positive pour les enfants nés avant 28 semaines de gestation.
Autre point important, l'étude EPICE a simulé deux modèles pour mesurer l'impact d'un défaut de prise en charge. Si chaque enfant avait reçu l'ensemble des quatre pratiques recommandées, la mortalité aurait été réduite de 18 %.
Dans la comparaison entre pays, la France, dont 3 régions participent à l'étude EPICE, ne fait pas mieux que les autres. « Par exemple dans le Nord et en lle-de-France, le pourcentage d'utilisation des 4 interventions est respectivement de 46,4 et 48,4 % », détaille la chercheuse.
En quête de « bons modèles» en Europe
En France, le débat autour de la prise en charge de l'extrême prématurité, à 23-24 semaines de gestation pourrait expliquer en partie les résultats obtenus. « D'autres pays ont adopté une politique systématique de prise en charge active à ces âges extrêmes, explique Jennifer Zeitlin. Ce n'est pas le cas en France et cette attitude pourrait contribuer de manière générale à retarder le moment d'intervenir, même pour des enfants plus matures ».
La régionalisation des soins semble fonctionner en France, puisque 80 à 85 % des enfants naissent dans des hôpitaux de niveau adapté. « Se pose la question de savoir comment on peut augmenter ce pourcentage, s'interroge l'épidémiologiste. Des pays comme l'Angleterre font mieux sur ce point, car il n'y a que de grandes maternités avec un service de réanimation, mais ce modèle n'est pas idéal et probablement pas adapté à la France. »
Pour l'équipe d'EPICE, ces résultats vont amener chaque pays à réfléchir sur ses pratiques. « Il va falloir comprendre pourquoi on fait les choses si différemment en Europe , commente la chercheuse. La Suède a déjà réagi en constatant qu'il y avait un problème dans la prévention de l'hypothermie. » D'autres publications du projet EPICE sont à venir, sur des pratiques efficaces mais qui ont un impact surtout sur le développement à plus long terme, comme l'allaitement et la non-administration de corticoïdes en postnatal.
La cohorte EPICE va être suivie jusqu'à l'âge de 5 ans. « Il sera intéressant de voir comment les pratiques différentes à la naissance ont un impact sur le devenir à long terme des enfants » , explique Jennifer Zeitlin. « De cette diversité en Europe, l'idée est d'arriver à identifier les bons modèles pour la prise en charge des grands prématurés », conclut la chercheuse.
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