La mortalité maternelle a diminué d'un tiers en France entre 2003 et 2012, une chute principalement expliquée par la baisse de la mortalité par hémorragie obstétricale, selon le 5e rapport de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM).
La France rentre ainsi dans le rang des pays européens, grâce à la prise de conscience opérée au lendemain de la seconde analyse approfondie de l'ENCMM pour la période 2001-2003. « Nous avions des taux de mortalité par hémorragies inacceptables pour un pays développé, alors que des pays comme l'Angleterre n'en avaient quasiment plus », se souvient la chercheuse Catherine Deneux-Tharaux, de l'équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique (EPOPé) et principale investigatrice de l'ENCMM.
Pour la période 2010-2012, 256 décès maternels survenus en France ont été identifiés, y compris les morts maternelles tardives entre 42 jours et 1 an après l'accouchement, soit 85 décès annuels en moyenne. Ces chiffres représentent un ratio de mortalité maternelle de 10,3/100 000 naissances vivantes stable par rapport à la période 2007-2009. La mortalité directe (moins de 42 jours après la naissance) est passée de 7/100 000 pour la période 2001-2003 à 4,9/100 000 pour la période 2010-2012. L'hémorragie reste la première cause de mortalité maternelle en France (11 %).
Nouvelles pratiques, nouveaux résultats
« C'est une bonne nouvelle, analyse Catherine Deneux-Tharaux, car cela prouve que lorsque l'on mobilise médecins, sages-femmes et chercheurs, on parvient à obtenir une réaction efficace. » En quoi a consisté la réaction ? En premier lieu, la Haute Autorité de Santé a fait de la mortalité maternelle un indicateur de qualité des soins, puis a émis des recommandations en 2004. « Il y avait un énorme retard à la prise en charge obstétricale, les femmes étaient transfusées trop tard et trop peu, énumère Catherine Deneux-Tharau. Il y a aussi eu une amélioration du dépistage des anomalies, et la consultation d'anesthésie de 32 semaines qui permet d'avoir une vision générale de la prise en charge. »
Certaines recommandations de 2004 sont encore mal appliquées, ce qui explique les conclusions de l'ENCMM : « 56 % des décès sont considérés comme "évitables" ou "peut-être évitables" et dans 60 % des cas, les soins dispensés n'ont pas été optimaux ».
Pour Catherine Deneux-Tharau, il faut promouvoir la multidisciplinarité, entre obstétriciens, sages-femmes et gynécologues. « La croyance que les produits de contraste sont nocifs pour les femmes enceintes est encore trop répandue, ajoute-t-elle. Il faut s'adapter au profil des femmes qui a changé en 10 ans, avec de plus en plus de femmes porteuses de pathologies chroniques. Je pense aussi à des cas de maladies cardiaques et de cancers du sein accélérés par le contexte hormonal de la grossesse qui auraient pu être dépistés par un simple stéthoscope ou une palpation lors des examens cliniques de suivi de la grossesse. »
Les équipes prises par surprises
Les décès par hémorragie de la période 2010-2012 sont survenus chez des femmes n'ayant généralement pas de facteurs de risque, ce qui a pris au dépourvu des équipes peu habituées à ce type d'urgence. « Des données non encore publiées indiquent une surmortalité dans les maternités ou l'anesthésiste n'est pas présent 24 heures sur 24 », indique Catherine Deneux-Tharau.
Parmi les 22 messages clés formulés par les auteurs, figure la rédaction d'un plan blanc « urgence vitale maternelle », afin de mobiliser rapidement en cas, par exemple, d'arrêt cardiaque de la mère au milieu du travail. « Il ne faut plus que l'équipe ait à faire des arbitrages difficiles au moment où ça arrive, ces arbitrages doivent avoir été faits à l'avance », estime Catherine Deneux-Tharau.
Dernier constat de l'enquête : le fort taux de mortalité maternelle dans les départements d'outre-mer, 4 fois plus élevé qu'en métropole, dû à la faible démographie médicale, au turn-over important qui parasite le travail en équipe et la mise en place de protocoles et une population qui cumule davantage de facteurs de risques comme l'obésité.
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