Toux, fièvre, sueurs nocturnes

La recherche d’une tuberculose chez les patients VIH+

Publié le 25/02/2010
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Crédit photo : (c) BSIP 1996 #0128996

CLASSIQUE, mais insuffisante. La présence d’une toux chronique dépisterait moins d’un tiers des tuberculoses chez les patients séropositifs pour le VIH. Beaucoup plus performante serait la recherche d’une association de trois symptômes, toux, fièvre ou sueurs nocturnes. Ce sont les résultats d’une étude menée dans huit dispensaires au Cambodge, en Thaïlande et au Vietnam, qui vient de tester un algorithme pour le dépistage et le diagnostic de la tuberculose chez les sujets VIH+.

« Si l’Organisation Mondiale de la santé (OMS) recommande en effet de rechercher l’infection à mycobactéries avant de débuter un traitement antirétroviral, expliquent les auteurs de l’étude, il n’existe pas de consensus international sur la méthode optimale pour le faire. » La radiographie pulmonaire et les BK crachats sont en effet peu sensibles chez les patients séropositifs. Or non seulement un retard diagnostique contribue à augmenter la mortalité, mais prescrire des antirétroviraux sans traiter une éventuelle tuberculose peut entraîner un syndrome inflammatoire de restauration immunitaire. De même, un traitement préventif par isoniazide peut favoriser la survenue de résistances. L’équipe internationale dirigée par le Dr Jay Varma montre que la sensibilité du dépistage serait de 93 % pour la recherche à l’interrogatoire d’une toux, quelle que soit sa durée, d’une fièvre, quelle que soit sa durée, ou de sueurs nocturnes, pendant au moins trois semaines dans les quatre semaines précédentes.

Cultures sur milieu spécifique.

Pour chaque participant, des prélèvements bactériologiques avec mise en culture sur milieu spécifique étaient réalisés : trois BK crachats, un urinaire, un fécal, un sanguin et un d’une éventuelle aspiration ganglionnaire. Le but de l’étude était de comparer les patients pour lesquels le diagnostic de tuberculose a été posé (sur la positivité d’un ou plusieurs examens bactériologiques) avec ceux indemnes de l’infection afin de proposer un algorithme pour le dépistage et le diagnostic. Étaient éligibles, qu’il existe ou non une suspicion clinique de tuberculose, les sujets : âgés de plus de 6 ans, n’ayant pas eu de dépistage de la tuberculose dans les trois mois, n’ayant pas pris d’antituberculeux ou de traitement préventif par isoniazide dans l’année. Chaque participant devait passer un interrogatoire médical, un examen clinique, une radiographie pulmonaire, un bilan sanguin avec taux des CD4.

Pas d’autre algorithme au monde.

Sur les 1 748 participants inclus au total, la tuberculose a été diagnostiquée chez 267 sujets (15 %). La présence d’une toux d’au moins deux à trois semaines dans les quatre semaines détectait la tuberculose avec une sensibilité de 22 à 33 %, versus 93 % pour la recherche de fièvre, de toux ou de sueurs nocturnes. L’absence de ces trois symptômes permettait d’exclure le diagnostic de tuberculose. Pour les 1 199 patients ayant présenté l’un de ces trois symptômes, il était possible d’exclure une tuberculose, en cas d’association de deux BK crachats négatifs, d’une radiographie pulmonaire normale et d’un taux de CD4 ≥ 350/mm3. Le diagnostic aurait pu être posé sur la positivité d’un ou plusieurs frottis d’expectorations pour seulement 113 patients infectés. La culture en milieu spécifique était nécessaire dans la majorité des autres cas.

Les auteurs ont tenté de proposer un algorithme raisonnable, en tenant compte à la fois de ressources limitées et du risque de faux négatifs. Dans leur étude, les faux négatifs pourraient avoir un pronostic favorable. En effet, non seulement le taux de CD4 était en moyenne de 400/mm3, mais la négativité des frottis à l’examen direct suggère une faible charge bacillaire, de meilleur pronostic. La résistance à l’isoniazide serait plus faible et le syndrome inflammatoire de restauration immunitaire moins fréquent. Cet algorithme testé dans trois pays nécessite d’être validé dans d’autres zones géographiques d’Asie, d’Afrique et d’ailleurs, avant d’être généralisé dans des recommandations internationales.

N Engl J Med, 362 ; 8, 707-716, 25 février 2010.

 Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8717