Une demi-douzaine de grandes études en cours

La recherche sur la sclérodermie systémique en plein boom

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Publié le 17/05/2016
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Crédit photo : P Klee

Deux études dans le traitement de la sclérodermie systémique ont été publiées début mai 2016 dans le « JAMA » et « The Lancet ». La coïncidence est surprenante pour une maladie rare qui touche 10 000 patients en France. Pas autant qu'il y paraît au prime abord.

« Il existe une actualité forte dans la sclérodermie depuis 2 ans, explique le Pr Yannick Allanore, rhumatologue à l'hôpital Cochin (APHP) et directeur de recherche à l'Institut Cochin. Comme les y encourage la volonté politique des autorités de santé, les laboratoires pharmaceutiques se réorientent vers les maladies rares. La sclérodermie systémique bénéficie du fait d'être utilisée comme modèle de maladie fibrosante. Les résultats obtenus pourront être transposés dans la fibrose hépatique, la fibrose pulmonaire, des maladies de remodelage ou encore le vieillissement. »

Le congrès mondial biennal, organisé par la World Scleroderma Foundation (WSF) (cf encadré), connaît un succès croissant. Pour sa 4e édition, le dernier s'est tenu en février dernier à Lisbonne avec plus de 1 000 participants, le prochain aura lieu en 2018 à Bordeaux.

 

Une atteinte multi-organe hétérogène

 

« C'est un message très positif pour les patients que les scientifiques s'intéressent à la sclérodermie systémique, souligne le Pr Allanore, également président de l'EUSTAR, le comité scientifique de la WSF. C'est une maladie difficile à vivre. Elle peut être handicapante mais aussi défigurante. Elle commence le plus souvent par un syndrome de Raynaud et comporte à 99 % un épaississement de la peau. La progression est très hétérogène. Pour l'instant, on dispose de peu de chose en thérapeutique. Les inhibiteurs calciques sont utilisés pour dilater les vaisseaux dans le syndrome de Raynaud. En prévention des ulcères digitaux à répétition, sont proposés l'iloprost et le bosentan ».

Si la sclérodermie localisée est fréquente et limitée à la peau, la sclérodermie systémique est une maladie rare du tissu conjonctif qui touche la peau et d'autres organes (poumons, cœur, appareil digestif). « Il y a eu de grands progrès dans la compréhension de la physiopathologie, poursuit le chercheur. On sait aujourd'hui que la maladie est à l'interface de troubles microcirculatoires, d'un problème inflammatoire péri-vasculaire avec activation immunitaire et production d'auto-anticorps et d'une suractivation des fibroblastes qui conduit à la fibrose ».

 

Un anti-IL6 va passer en phase 3

 

Des acteurs thérapeutiques potentiels ont été identifiés dans 3 niveaux physiopathologiques. « L'idée à l'avenir serait de combiner les approches et/ou de les séquencer, indique le clinicien. La révision des critères de classification ACR-EULAR de la maladie en 2013 était un travail préliminaire pour faciliter la recherche. L'EUSTAR dispose d'une base de données de 13 000 cas avec suivi prospectif. Les patients sont mieux définis, et les molécules aussi ».

Des résultats commencent à sortir. Dans une publication du 10 mai dans le « JAMA », le macitentan, un antagoniste des récepteurs de l'endothéline utilisé dans l'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), n'a pas fait ses preuves dans la prévention des ulcères digitaux ischémiques. Plus prometteur, un inhibiteur de l'interleukine 6 (anti-IL6), le tocilizumab, a montré des résultats encourageants dans l'étude de phase 2 faSScinate publiée le 5 mai dans « The Lancet ».

 

Un bouquet de molécules recyclées

 

« Cet anti-IL6 a permis de diminuer l'épaississement de la peau, indique le Pr Allanore, également co-auteur de l'étude. L'effet n'est pas significatif par rapport au placebo, mais la tendance est nette avec un moindre déclin de la capacité vitale forcée. Le laboratoire a décidé d'aller plus loin dans une phase 3 ».

La recherche sur la sclérodermie systémique compte ainsi une demi-douzaine de grandes études internationales en cours. « Outre l'anti-IL6 essai, l'abatacept (Orencia) utilisé dans la polyarthrite rhumatoïde est à l'étude, détaille le Pr Allanore. Il y aussi le monoxyde d'azote, le riociguat, déjà utilisé dans l'HTAP, et un antagoniste de la sérotonine, le Terguride. Une étude de phase 2 est en cours pour l'IVA337, un agoniste pan-PPAR. Plus spécifiquement, dans l'atteinte pulmonaire, est testé le nintédanib (Ofev), récemment autorisé dans la fibrose pulmonaire idiopathique ». 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9496