« C’est une étude charnière car elle va au-delà d’une simple association et montre que des modifications du microbiote intestinal affectent les réponses intestinales et comportementales dans le syndrome de l’Intestin irritable », souligne Giada De Palma, chercheuse à l’université McMaster à Hamilton (Canada), première signataire de l’étude publiée dans la revue « Science Translational Medicine ».
« Nos résultats jettent les fondements pour développer des thérapies ciblant le microbiote et pour découvrir des biomarqueurs de diagnostic du SSI », précise pour sa part le Pr Premysl Bercik (université McMaster) qui a supervisé l’étude.
On estime que 10 à 15 % des Américains souffrent du syndrome de l’intestin irritable (SII), appelé aussi syndrome du côlon irritable ou colopathie fonctionnelle. Ces patients souffrent de douleurs abdominales chroniques et de troubles du transit de type diarrhée (SII-D) ou constipation (SII-C), sans présenter de lésion du côlon. Ces troubles s’accompagnent souvent d’anxiété ou de dépression, ce qui amène à considérer ce syndrome comme un trouble de l’axe intestin-cerveau. Des changements du microbiote intestinal sont observés chez les patients SII, cependant on ignore s’ils contribuent à l’expression clinique du syndrome.
Augmentation des lymphocytes T CD3
Pour trancher la question, l'équipe canadienne de De Palma et coll. a examiné si le transfert chez la souris (sans germe) du microbiote fécal des patients souffrant du SII avec diarrhée (SII-D) peut influencer la fonction intestinale et cérébrale des rongeurs. Ils ont étudié le transfert du microbiote fécal de 5 sujets sains, et celui de 8 patients SII-D dont 4 souffrant d’anxiété modérée. Ils montrent que le transfert du microbiote fécal SII-D chez la souris perturbe la fonction intestinale, accélérant son transit et abaissant sa fonction de barrière intestinale. De surcroit, le microbiote fécal des patients SII-D anxieux active l’immunité innée des souris (hausse des lymphocytes T CD3), entraînant ainsi une inflammation de bas grade, et transmet l’anxiété aux souris.
La perturbation des fonctions intestinale et cérébrale par le microbiote fécal SII-D s’effectue à travers plusieurs mécanismes dont des voies immunes et métaboliques.
Ainsi, alors que les différences de composition microbienne sont mineures entre les souris colonisées par un microbiote sain et les souris colonisées par le microbiote SII-D, ces dernières ont un profil sanguin des métabolites très différent, avec notamment une baisse de la phosphatidylsérine - un composant des membranes cellulaires impliqué dans l’apoptose et l’immunomodulation.
« Tandis que les précédents travaux avaient montré des associations entre le SII et les bactéries intestinales, notre étude montre clairement un lien causal entre les bactéries intestinales et le SII », précise au « Quotidien » le Pr Premysl Bercik. Selon lui, le point fort est « l’effet des bactéries intestinales sur le comportement des souris, qui confirme le concept de l’axe microbiote intestinal-cerveau, la communication bidirectionnelle entre l’intestin et le cerveau. Les bactéries intestinales pourraient influencer comment nous nous sentons et ce que nous faisons… » Les données de l'étude « devraient être explorées pour découvrir de nouveaux biomarqueurs qui pourront nous aider à identifier les patients SII chez lesquels des thérapies ciblant le microbiote (dont les probiotiques) pourraient être efficaces », estime le Pr Bercik. Enfin, préviennent les chercheurs, cette étude montre qu’il faut dépister les donneurs de selles pour la transplantation pour les troubles fonctionnels intestinaux et d’autres affections.
Science Translational Medicine, De Palma et coll.
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