Les chercheurs de l'Institut Pasteur viennent de publier dans le bulletin « Eurosurveillance », les résultats de leurs recherches sur la capacité du moustique Culex, le plus largement réparti de toutes les espèces de moustiques (il est présent jusque dans le métro parisien) à transmettre le virus Zika. Verdict : le Culex pipiens (présent dans les zones tempérées) et le Culex quinquefasciatus (dans les zones tropicales) sont tous les deux incapables de transmettre de virus Zika, et sont eux-mêmes très difficiles à infecter.
En avril dernier, la même équipe de l'Institut Pasteur menée par le Pr Anna Bella Failloux responsable du laboratoire « Arbovirus et Insectes Vecteurs » de l'Institut Pasteur avait montré que l'Aedes albopictus et Aedes aegypti étaient des vecteurs médiocres du virus.
Les chercheurs ont commencé par nourrir les moustiques avec un repas composé de sang infecté de virus Zika. Les moustiques ont été conservés dans une cage à 28 °C avec du glucose. Un groupe d'une quarantaine de moustiques ont été analysés au bout 3, 7, 14 et 21 jours. La transmissibilité du virus a été évaluée en recherchant la présence de virus dans le mésentéron.
À 3, 7 et 21 jours après l'exposition, il y avait respectivement 0 Culex quinquefasciatus sur 42, 1 sur 47 et 5 sur 40 infectés par le virus. En ce qui concerne Culex pipiens il y avait 1 moustique sur 48 infecté par le virus au bout de 3 jours, 3 sur 47 au bout de 7 jours et 6 sur 46 au bout de 21 jours.
Un potentiel de transmission nul
Seuls quelques Culex quinquefasciatus étaient capables de disséminer le virus 14 jours après la tentative d'infection (1 sur 41 analysés) et 21 jours (3 sur 40 analysés). Par ailleurs, un maximum de 15 particules virales a été retrouvé dans la tête des animaux. En ce qui concerne le Culex pipiens, aucun moustique n'était porteur de particules virales au niveau de la tête. Enfin, le virus n'a été détecté dans la salive des moustiques des deux espèces à aucun moment.
Pour le Pr Anna Bella Failloux, jointe par le « Quotidien » au Brésil où elle participe à une collecte d'œufs de moustiques, c'est « une excellente nouvelle pour tous ceux qui font de la lutte antivectorielle ». Au début de l'année, une équipe de chercheurs brésiliens de la Fondation Oswaldo Cruzbasée (FIOCRUZ) basée à Recife avait affirmé que le Culex pouvait être impliqué dans la transmission du Zika, sans apporter de preuve scientifique. « Cette annonce a fait beaucoup de mal, explique le Pr Failloux, le Culex est un moustique des eaux sales et polluées qui résiste aux insecticides. Les acteurs de la prévention ont alors cru que leurs mesures antivectorielles ne servaient à rien, et même favorisaient l'épidémie en éliminant la concurrence du Culex. »
Pour le Pr Failloux, l'explication de l'épidémie en Amérique du Sud réside dans la présence d'une population qui n'avait jamais été confrontée au Zika, couplée à une grande densité de moustique qui compense leur médiocre capacité à transmettre le virus.
2,6 milliards d'humains exposés
Cette incapacité des Culex à transmettre la maladie n'empêche pas le risque d'extension de l'épidémie d'être prégnant, comme l'ont confirmé les travaux d'une équipe internationale menée par le Pr Kamran Khan de l'hôpital St Michael de Toronto et le Pr John S Brownstein de l'hôpital pour enfants de Boston.
En croisant les informations sur les flux de voyageurs, l'aire de répartition des moustiques Aedes et celles ou la dengue est déjà présente (et où toutes les circonstances sont donc réunies pour qu'une autre épidémie d'un autre arbovirus se déclare) pour déterminer les zones les plus à risque d'extension de l'épidémie.
Ils ont ainsi déterminé que l'Inde (67 422 voyageurs par an, 1,2 milliard d'habitants exposés), la Chine (238 415 voyageurs par an, 242 millions d'habitants exposés), les Philippines (35 635 voyageurs, 70 millions de résidants exposés), l'Indonésie (13 846 voyageurs, 197 millions d'habitants exposés), la Thaïlande (29 241 voyageurs, 59 millions d'habitants exposés), le Nigeria, le Vietnam, le Pakistan et le Bangladesh étaient les pays les plus à risque.
« On estime que 2,6 milliards de personnes vivent dans des régions d'Afrique ou d'Asie-Pacifique où les espèces locales de moustiques et les conditions climatiques sont favorables et où une transmission du virus Zika est théoriquement possible, détaille le Dr Kamran Khan, il y a cependant beaucoup d'inconnues sur la façon dont le virus se répand, y compris quelles sont les espèces locales de moustique les plus capables de transmettre le virus », affirme-t-il.
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