« Le traitement précoce pourrait ne pas être assez précoce ». Comme le titre l’éditorial attaché, l’étude publiée dans Nature sur la formation très précoce de réservoirs viraux est lourde de conséquences pour les stratégies thérapeutiques à mettre en œuvre dans l’infection à VIH. Les virologues sous la direction du Dan Barouch, du Beth Israel Deaconess Medical Center suggèrent que les réservoirs se constituent très tôt, bien plus tôt que pressenti, avant tout symptôme clinique et avant même qu’une virémie ne soit détectable. L’absence de virémie ne serait en fait qu’une « éclipse ». Cette découverte vient compliquer le défi du traitement précoce qui vise à obtenir l’éradication du virus.
Publiée quelques jours après l’annonce du rebond tardif du « Mississippi Baby », que l’on espérait pouvoir considérer comme guéri au vu de la virémie restant nulle après l’arrêt de la trithérapie, cette découverte pourrait expliquer en partie pourquoi un traitement très précoce, dans ce cas précis instauré dès le premier jour de vie, ne suffise pas à éradiquer totalement et durablement le virus. La petite fille née de mère infectée, avec plus de 20 000 copies/ml de sang avait été traitée dès la 30e heure après l’accouchement. Alors que la virémie était devenue indétectable au 29e jour de vie, le traitement avait été arrêté à l’âge de 18 mois. La virémie est restée nulle pendant 27 mois avant de se positiver. Pour le Pr Barouch, de l’université de Harvard : « La triste nouvelle du rebond viral chez cette enfant souligne à quel point il est nécessaire de comprendre le réservoir viral précoce et réfractaire qui se constitue très vite après l’infection VIH chez les humains ».
Une planque digestive
Après avoir été exposés au SIV par voie rectale, les singes rhésus ont été traités au 3e, 7e ou 14e jour. Ces traitements précoces ont permis de baisser le pic de virus circulant chez tous les animaux, mais administré dès J3, il a permis de bloquer complètement l’émergence de toute virémie détectable. Chez ces animaux, le rebond viral est survenu à l’arrêt du traitement viral, mais de façon retardée par rapport à une mise en route à J7 ou J14. Le virus était donc bien là, comme l’atteste le fait qu’avant J3, de l’ADN proviral a été retrouvé dans les ganglions lymphatiques et la muqueuse du système gastro-intestinal. Le réservoir semble s’implanter en premier dans les tissus muqueux et lymphoïdes avant que le virus ne passe dans le sang.
La prochaine étape consiste à vérifier ces observations chez l’humain, le SIV n’étant pas le VIH, les deux infections présentant des différences importantes. La dose de SIV utilisée par exemple dans l’étude est plus élevée que celle de VIH à laquelle sont exposés les humains en pratique. Il reste que la mise en place très précoce du réservoir viral amène à réfléchir sur les stratégies adoptées jusque là. En pratique, comme l’explique l’éditorial, si le réservoir se constitue avant la virémie, il devient très difficile d’instaurer la trithérapie, puisqu’elle se décide sur ce critère. D’autres approches se profilent et consisteraient, au vu des résultats, à combiner un traitement extrêmement précoce, de durée plus prolongée et des interventions supplémentaires ciblées sur le réservoir viral.
Nature, publié en ligne le 20 juillet 2014
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