Le taux d'anticorps dirigés contre la dengue des individus reflète le risque de développer ou non la forme sévère de la maladie, selon un modèle statistique développé par des chercheurs de l'institut Pasteur, en collaboration avec des équipes américaines et thaïlandaises. Ces résultats sont publiés dans « Nature ».
Dans la majeure partie des cas, la dengue est une maladie qui passe inaperçue, car elle entraîne peu, voire pas, de symptômes. Il existe toutefois une forme hémorragique de la maladie pouvant conduire au décès. Quatre sérotypes du virus de la dengue circulent. De ce fait, une personne infectée par l'un des sérotypes n'est pas immunisée contre les autres. Ainsi, lors d'une infection par un autre sérotype, le risque de développer une forme sévère de la dengue est plus important.
Afin de détecter les infections asymptomatiques ayant échappé aux réseaux de surveillance et d'identifier ainsi les individus à risque, les chercheurs se sont appuyés sur les données d'une cohorte de 3 451 enfants thaïlandais. L'âge moyen à l'inclusion était de 9 ans.
Des prises de sang ont été effectuées tous les 91 jours de 1998 à 2003. Les taux d'anticorps de chacun des sérotypes ont été mesurés pour chaque échantillon à l'aide de tests d'inhibition de l'hémagglutination (soit 143 548 mesures au total). Sur 1 771 échantillons, les taux d'anticorps ont également été calculés via le test de séroneutralisation par réduction des plaques de lyse.
Une fenêtre de risque
« Nous avons développé une méthode qui nous a permis de reconstruire l'histoire de l'infection d'un individu en estimant le taux d'anticorps quotidien et pas seulement tous les 91 jours. Nous avons ainsi pu mettre en évidence une fenêtre très précise de risque », indique au « Quotidien » Henrik Salje, premier auteur de l'étude et chercheur à l'institut Pasteur.
Pour les enfants dont le taux d'anticorps est nul et qui n'ont donc jamais été infectés, le risque de développer une forme sévère est faible. En revanche, un taux d'anticorps moyen reflète une infection antérieure et accroît le risque d'une maladie grave. De façon plus étonnante, les chercheurs ont également constaté qu'un taux élevé d'anticorps est associé à un faible risque. « Ce résultat reste une grande question à laquelle nous n'avons pas de réponse. Ce faible risque est peut-être dû à de multiples infections ou bien à des différences génétiques d'un individu à l'autre », suggère Henrik Salje.
En d'autres termes, les enfants présentant des titres d'anticorps inférieurs ou égaux à 1/40 développent une fièvre hémorragique 7,4 fois plus souvent que ceux n'ayant pas d'anticorps, alors que ce risque est nul pour les individus avec des titres supérieurs à 1/40.
Si le modèle statistique est basé sur une cohorte d'enfants, le chercheur estime que les résultats sont transposables à l'adulte.
Cibler pour la vaccination
Ainsi, une simple prise de sang permet d'identifier les individus à risque de développer une forme hémorragique, ce qui a des implications en termes de vaccination. En effet, Dengvaxia, le vaccin contre la dengue développé par Sanofi-Pasteur, a récemment été pointé du doigt, car il ne conviendrait pas aux personnes n'ayant jamais été infectées. Une campagne de vaccination a été annulée aux Philippines en décembre dernier. « Le vaccin augmenterait le risque de développer une forme hémorragique chez les personnes n'ayant jamais été infectées par la dengue. En revanche, pour les personnes déjà infectées qui se trouvent dans la fenêtre de risque, le vaccin est bénéfique et permet d'en sortir », explique Henrik Salje. Il ajoute : « déterminer le taux d'anticorps permet donc de cibler les personnes pour lesquelles la vaccination est bénéfique ». L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a d'ailleurs modifié courant avril ses recommandations en ce sens. « Nos résultats soutiennent la décision de l'OMS », note Henrik Salje.
L'étude souligne par ailleurs que, contrairement au taux d'anticorps, l'âge n'est pas un facteur de risque pertinent du fait de la variabilité des épidémies d'une année à l'autre.
Grâce à leur modèle statistique, les chercheurs ont identifié dans la cohorte 1 149 infections qui n'avaient pas été détectées par la surveillance active, dont 65 % seraient asymptomatiques.
« Avec 390 millions d'infections par an travers le monde, la dengue est un problème de santé publique mondiale », conclut Henrik Salje.
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