Quelques jours après les attentats du 13 novembre, le président du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) Alain Fuchs exhortait les chercheurs à déposer des appels à projets pour dépasser la sidération et combattre la terreur par la raison.
En guise de réponse, vient de débuter le programme « 13-novembre » porté par le CNRS et l'INSERM en collaboration avec héSam Université (Hautes études, Sorbonne, Arts et métiers) pour étudier comment se construisent les mémoires collective et individuelle ; comment un événement traumatique y prend progressivement place. « L'une alimente l'autre, on ne peut comprendre leurs mécanismes respectifs indépendamment l'une de l'autre », explique au « Quotidien » le neuropsychologue Francis Eustache, co-directeur du programme avec l'historien Denis Peschanski. Les deux chercheurs travaillent depuis 8 ans sur une plateforme technologique (Matrice) sur les mémoires de la 2nde guerre mondiale et les attentats du11 septembre 2001. Ils ont notamment collaboré avec le psychologue américain William Hirst qui a recueilli (via des questionnaires papier) quelque 3 000 témoignages à un mois, un an, trois ans, cinq et dix ans de l'attaque des Twin Towers. Leur analyse a montré comment se construit, à partir d'un récit décousu, rempli d'indications émotionnelles et sensorielles, une narration cohérente.
Le programme 13 novembre, transdisciplinaire, entend sonder - à travers des questionnaires mais aussi devant des caméras de l'Institut national audiovisuel dans un but scientifique et patrimonial 1 000 personnes sur 10 ans (couronnés par deux ans d'analyse) réparties en 4 cercles : les personnes directement exposées aux attentats ou intervenues sur les sites ; les habitants et usagers des quartiers concernés, les quartiers périphériques de Paris, et enfin, la province, et les villes de Caen et Metz. « On est aux confins de l'histoire et de la sociologie, avec potentiellement des implications en sciences politiques et santé publique (la gestion des cellules de crise, par exemple) », note Francis Eustache.
Parallèlement seront analysés les vecteurs de la mémoire collective (journaux télévisés, presse, réseaux sociaux, tweet, etc.) ; le centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) prendra le pouls de l'opinion dans son traditionnel questionnaire semestriel, aux dates des campagnes d'entretiens (2016, 2018, 2021, 2026).
Lumière sur l'état de stress post-traumatique
L'étude biomédicale « Remember » promue par l'INSERM et pour laquelle des psychiatres et psychologues ont été recrutés, a démarré le 7 juin à Caen. Y seront inclus d'ici novembre 120 personnes du cercle 1 et 60 Caennais, qui forment le groupe contrôle. « Nous cherchons à comprendre les liens entre la mémoire et l'état de stress post-traumatique (PTSD), qui, présente en son cœur une distorsion de la mémoire : certains éléments, mal encodés, donneront lieu à une forme d'oubli. D'autres au contraire seront omniprésents, créeront une forme d'hypermnésie, avec un statut particulier du souvenir vécu comme présent », précise Francis Eustache.
Le protocole ne fait pas appel aux souvenirs traumatiques : les sujets apprendront des associations entre des concepts neutres ; puis sous IRM, on leur demandera de continuer cette association ou de la contrecarrer, selon le paradigme « Think, no think ». « Nous analyserons cette capacité de contrôle au fil du temps, et la mettrons en parallèle avec d'autres paramètres biographiques, mnésiques, ou encore avec les dispositifs de soins dont a bénéficié la personne », ajoute Francis Eustache - un partenariat est d'ailleurs noué avec Santé publique France, promoteur de l'étude EPSA, qui analyse l'impact psychotraumatique des attentats sur les victimes et la validité des circuits de soins.
Le neuropsychologue espère enfin mettre en lumière les liens, voire les contradictions entre mémoire individuelle et collective. « Lors de la 2nde guerre mondiale, les Normands ont subi les bombardements Alliés et la destruction de leur village ; ils ont pourtant reconstruit une mémoire collective fondée sur la Libération de la Normandie », cite-t-il en exemple.
Le programme 13 novembre a bénéficié pour son lancement d'un financement de 2 millions d'euros de la part de l'agence nationale de la recherche, dans le cadre du programme investissements d'avenir ; le coût total est estimé à 20 millions d'euros.
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