SUR LE PLAN épidémiologique, la prévalence de l’infection par le VIH était estimée à 152 000 (entre 135 000 et 170 000) à la fin de 2008 et l’on constate que le nombre de nouvelles contaminations reste très élevé, souligne le Pr Molina. Grâce au test de dissociation mis au point par le Pr Barrin, on peut en effet dater l’infection, c’est-à-dire déterminer pour chaque nouveau patient dépisté s’il a été contaminé depuis moins de 6 mois ou si son infection est plus ancienne. Donc on sait qu’il y a encore aujourd’hui entre 7 000 et 8 000 patients qui s’infectent chaque année, ce qui veut dire que l’épidémie n’est toujours pas contrôlée, insiste le Pr Molina.
Favoriser le dépistage.
Les nouvelles contaminations touchent particulièrement les homosexuels masculins avec une incidence annuelle de l’ordre de 1 %. Des enquêtes menées dans des lieux de convivialité gay, comme Prévagay, ont mis en évidence des taux extrêmement élevés de contaminations annuelles, supérieurs à 3 % chez les sujets qui les fréquentent. Dans les populations à haut risque, la prévalence de l’infection par le VIH atteint 15 à 20 %. Ainsi à Paris, toujours selon les données de Prévagay, la prévalence dans la population homosexuelle masculine est de 17,7 %. Et, globalement, 20 % des patients infectés l’ignorent. D’où l’importance d’améliorer le dépistage pour, sur le plan individuel, permettre la mise en route d’un traitement antirétroviral précoce des sujets infectés qui ne le savent pas et, sur le plan collectif, limiter le risque de transmission. Il est en effet clairement établi que le contrôle de l’infection diminue de façon très importante le risque de contamination. Les pouvoirs publics ont donc décidé de favoriser le dépistage : chaque personne devrait avoir un test de dépistage du VIH au moins une fois dans sa vie, et les sujets à risque une fois par an. Pour contrôler l’épidémie il faudrait dépister les 50 000 sujets séropositifs qui l’ignorent et bien sûr proposer une prise en charge thérapeutique plus précoce.
Un traitement plus précoce.
L’autre point fort du rapport 2010 est d’ailleurs la mise en route plus précoce du traitement. L’objectif est, outre la diminution du risque de transmission, de réduire la morbidité. Toute personne qui présente un déficit immunitaire, c’est-à-dire un taux de CD4 < 350/mm3 doit être traitée sans délai. Au-dessus de ce seuil, la mise sous traitement est recommandée lorsque les CD4 chutent à moins de 500/mm3. Au-dessus de 500, il existe une incertitude sur la conduite à tenir, sauf si la charge virale est très élevée ou si le patient présente des facteurs de risque, notamment cardiovasculaires. L’ANRS (Agence Nationale de Recherches sur le SIDA et les hépatites virales) a mis en place un essai clinique pour répondre à cette question.
Actuellement, 85 % des sujets infectés par le VIH reçoivent une trithérapie, mais dans 30 % des cas la mise sous traitement est intervenue trop tardivement. Ainsi le nombre moyen de CD4 lors de la mise sous traitement était, en 2008, de 275/mm3 et 29 % des patients avaient moins de 200 CD4 au moment du diagnostic.
Sur le plan thérapeutique, il faut souligner que le rapport ne recommande pas, dans les choix préférentiels, certaines molécules qui ont pourtant l’AMM, en raison de leur coût et de l’absence de démonstration d’une efficacité supérieure à des médicaments plus anciens et moins chers. Les choix préférentiels prennent donc en compte non seulement l’efficacité et la tolérance, mais aussi les coûts. Il faut en effet souligner que, pour la majorité des malades, la durée du traitement est aujourd’hui très longue, de 30 à 40 ans, car, fort heureusement, leur espérance de vie a beaucoup progressé et le nombre de patients en impasse thérapeutique est très faible.
Dépister les complications.
Autre point important souligné dans le rapport Yéni 2010, le vieillissement prématuré des patients séropositifs, qui implique une surveillance attentive pour dépister et traiter les complications cardiovasculaires, mais aussi une insuffisance rénale, une ostéopénie ou une ostéoporose. Le risque de cancer est aussi plus élevé chez ces sujets, surtout si leur immunité n’est pas restaurée. En effet si 80 % des patients séropositifs traités ont une charge virale bien contrôlée, seulement la moitié a des CD4 › 500, taux associé à une forte réduction du risque cancéreux.
Enfin, sur le plan de l’organisation des soins, la mise en place des COREVIH (COordination RÉgionale de lutte contre l’infection à VIH) permet aujourd’hui un meilleur accès aux soins et une prise en charge plus homogène sur l’ensemble du territoire, ajoute le Pr Molina.
*D’après un entretien avec le Pr Jean-Michel Molina, chef du service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Saint-Louis, Paris.
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