« Tous les traitements du glaucome approuvés à ce jour reposent sur l’abaissement de la pression intra-oculaire. Notre étude montre que le nicotinamide peut directement protéger les cellules ganglionnaires de la rétine. Ainsi le nicotinamide pourrait offrir une nouvelle classe thérapeutique pour le glaucome », précise au « Quotidien » le Dr Pete Williams (Jackson Laboratory, Bar Harbor, Maine), premier signataire d'une étude publiée dans la revue « Science ».
L'étude montre que chez la souris prédisposée au glaucome, une supplémentation orale en nicotinamide (vitamine B3) donnée en prévention ou en traitement permet de protéger le nerf optique et la vision. Cette découverte pourrait offrir contre le glaucome une thérapie ciblant directement la rétine vieillissante. Un essai clinique est en vue.
« L’ampleur de l’effet protecteur de cette vitamine est surprenante. Cependant, même si nous avons grand espoir d’une application clinique chez l’homme, des essais cliniques sont maintenant nécessaires pour déterminer l’efficacité et la sécurité chez les patients souffrant du glaucome », précise le Dr Williams.
Le glaucome figure parmi les maladies neurodégénératives les plus fréquentes, affectant plus de 70 millions de personnes. Cette maladie de l’œil est caractérisée par la perte progressive des cellules ganglionnaires de la rétine, sous l’influence de facteurs comme l’âge ou une pression intraoculaire trop élevée. C’est la première cause de cécité irréversible dans le monde.
Anomalies mitochondriales et neurodégénérescence
Pour mieux comprendre les mécanismes à l’origine du glaucome, l’équipe du Pr Simon John (Jackson Laboratory, Maine) a étudié une souris prédisposée au glaucome, et déterminé (par séquençage ARN) quels changements moléculaires surviennent dans les cellules ganglionnaires de la rétine sous l’influence du vieillissement et de l’hypertonie oculaire. Ils ont découvert des anomalies mitochondriales précédant la neurodégénérescence, et ils ont constaté une baisse avec l’âge des taux rétiniens de nicotinamide adénine dinucléotide (NAD+) en corrélation avec la neurodégénérescence.
Puisque la NAD est importante pour de nombreuses réactions cellulaires, y compris pour l’énergie cellulaire, les chercheurs ont supposé que ses taux réduits pouvaient rendre les neurones plus vulnérables au stress engendré par l’hypertonie oculaire. Dès lors, en augmentant les taux de NAD, pourrait-on offrir une protection ?
Deux stratégies ont été évaluées avec succès. Les souris prédisposées au glaucome ont été traitées par nicotinamide oral (une forme de vitamine B3), un précurseur qui se transforme en NAD dans l’organisme. Cette vitamine B3 protège effectivement contre le glaucome, lorsqu’elle est donnée en prévention (6 mois) ou en thérapie (après l’hypertonie oculaire, pendant 3 mois). Elle normalise les anomalies mitochondriales, réduit la dégénérescence du nerf optique, prévient la perte des cellules ganglionnaires de la rétine et protège la vision.
Protection « sans précédent et inattendue »
À une dose encore plus forte, elle est extrêmement protectrice, avec 93 % des yeux traités dépourvus de lésion du nerf optique (comparé à 70 % avec la dose plus faible), une protection « sans précédent et inattendue », selon les chercheurs.
Ils ont aussi évalué l’efficacité d’une injection oculaire unique d’une thérapie génique (Nmnat1, via un vecteur viral) visant à augmenter l’expression d’une enzyme clé pour la production de NAD, et ont constaté une protection ; 70 % des yeux traités ne présentent aucune lésion du nerf optique. La combinaison des 2 approches (supplément et thérapie génique) accentue la protection (84 % des yeux sans glaucome).
L’équipe planifie maintenant un essai clinique en collaboration avec des cliniciens de la Columbia University à New York. « Le nicotinamide se trouve dans notre alimentation, et son profil de sécurité est bon, même à hautes doses », précise le Dr Williams qui espère le succès des essais cliniques.
Dans un commentaire associé, les Drs Crowston et Trounce (Université de Melbourne, Australie) remarquent que « la dose plus élevée de nicotinamide a non seulement renversé le phénotype âgé de la rétine et protégé les cellules ganglionnaires rétiniennes, mais a diminué aussi la pression oculaire dans le modèle murin ».
« Vu la grande disponibilité et bonne tolérance des suppléments de NAD, ce traitement est très attrayant pour l’application clinique », estiment-ils, ajoutant que « la thérapie génique Nmnat1 offre une alternative pour reconstituer le NAD et représente l’un des premiers exemples de thérapie génique ayant un effet robuste dans une maladie complexe ».
Science 17 février 2017, Williams et coll.
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