L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est une maladie vasculaire progressive. Le pronostic de sa forme idiopathique reste sombre en dépit des traitements actuels. Ceux-ci agissent principalement comme des vasodilatateurs améliorant les symptômes sans arrêter ou inverser la maladie.
Une équipe de chercheurs canadiens et britanniques propose une nouvelle thérapie prometteuse ciblant la mitochondrie. « Nous avons découvert qu'une enzyme mitochondriale (la pyruvate déshydrogénase kinase ou PDK) est davantage exprimée dans les artères pulmonaires des patients souffrant d'HTAP comparés aux témoins », explique au « Quotidien » le Dr Evangelos Michelakis de l'Université d’Alberta, Canada, premier signataire de l’étude publiée dans la revue « Science Translational Medicine ».
« Notre travail préclinique a montré que cette régulation positive est importante pour provoquer la suppression mitochondriale caractérisant l'HTAP (et le cancer). Cette PDK offre donc une nouvelle cible thérapeutique pour l'HTAP. Nous avons montré que dans les poumons humains HTAP étudiés ex vivo, le dichloroacétate (DCA), un inhibiteur de la PDK, augmente la fonction mitochondriale », poursuit-il.
Un essai pilote chez 16 patients
L’HTAP est caractérisée par un remodelage vasculaire occlusif, dû à un environnement pro-prolifératif et anti-apoptotique dans la paroi des artérioles pulmonaires. Ce remodelage est dû en partie à un remodelage métabolique comme dans le cancer. L’oxydation mitochondriale du glucose est supprimée dans les cellules proliférantes, tandis que la glycolyse est activée comme source majeure d’ATP. La suppression mitochondriale entraîne une inhibition de l’apoptose et un signal en aval qui favorise la prolifération dans les artérioles pulmonaires (cellules musculaires lisses, cellules endothéliales et fibroblastes).
À partir de leurs observations initiales, les chercheurs ont mené un essai pilote : 16 patients atteints d’HTAP idiopathique ont reçu en supplément de leur traitement le DCA (3 ou 6,25 mg/kg, 2 fois par jour) pendant 4 mois.
« Nous avons constaté que le DCA améliore l'hémodynamique (pression artérielle pulmonaire moyenne et résistance vasculaire pulmonaire) et la capacité fonctionnelle (marche de 6 minutes). Puisque ces patients étaient déjà traités par au moins deux thérapies approuvées, les bénéfices que nous avons mesurés sont supplémentaires aux bénéfices obtenus avec les autres classes médicamenteuses », précise le Dr Michelakis.
Des variants associés à l’absence de réponse
Toutefois, certains poumons ex-vivo et certains patients n’ont pas répondu au DCA. « Nous avons montré que ces patients avaient des variants de 2 gènes codant pour la sirtuine 3 (une désacétylase) et l’Ucp2, des protéines régulant respectivement l'acétylation mitochondriale et le calcium mitochondrial. Le variant du gène Sirt3 provoque une diminution de 34 % de l'activité de l'enzyme et le variant du gène Ucp2 est associé à des taux réduits de la protéine », explique le chercheur. « Nos données précliniques ont montré que les déficits de ces deux gènes chez la souris provoquent une hypertension pulmonaire spontanée, ce qui confirme leur importance pour cette maladie. Mais l'inhibition mitochondriale causée par leur déficit est indépendante de la régulation positive du PDK et ne répond donc pas au DCA », précise le Dr Michelakis.
Les résultats de cette étude sont, selon lui, « importants ». Premièrement, « c’est la première fois qu'un médicament ciblant la mitochondrie est testé dans une maladie vasculaire humaine et dans l'HTAP ». L'utilisation de modulateurs métaboliques ouvre une nouvelle voie thérapeutique dans cette maladie. « C’est aussi le premier essai clinique qui associe les effets d'un médicament au profil génétique d'un patient HTAP. Le point fort est que la biologie des produits de ces 2 gènes est très bien étudiée chez la souris, ce qui consolide le mécanisme de notre concept », fait observer le Dr Michelakis. Troisièmement, « il s'agit d'un médicament générique non financé par l'industrie. Si le médicament est approuvé au terme des futurs essais, il pourrait offrir une thérapie à bas coût pour tous. Dans de nombreuses régions du monde, les patients ne peuvent pas avoir accès aux traitements approuvés pour l'HTAP en raison de leur coût élevé, ce qui est le cas pour les patients non assurés en Amérique du Nord », conclut-il.
La prochaine étape consistera à conduire un essai de phase 2, contrôlé par placebo, pour évaluer les effets du DCA. « Voici un bel exemple de médecine de précision, où les gènes des patients peuvent être utilisés pour prédire l’efficacité d’un médicament chez un patient donné », s’enthousiasme le Dr Martin Wilkins de l'Imperial College London à Londres, qui a co-dirigé l’étude. « Ce travail sera important pour la conception des futurs essais avec DCA (ou d'autres activateurs mitochondriaux). Nous épargnerions aux patients portant ces deux variants d’être recrutés dans une étude dont ils pourraient ne pas bénéficier, pour leur permettre de s'inscrire dans d'autres études. En focalisant sur les patients qui ont une meilleure chance d'amélioration, nous pouvons accroître l'efficacité et réduire le coût des essais », ajoute-t-il.
Science Translational Medicine, 25 octobre 2017, Michelakis et coll.
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