Le Collège national des gynécologues obstétriciens (CNGOF) s’empare de la question polémique des inégalités sociales en matière de santé et met en place une commission qui sera chargée de proposer des pistes et des mesures pour les réduire. « Les inégalités de santé générées par les phénomènes de migration sont devenues une réelle priorité », lance le Pr Élie Azria, chef de service de la maternité Notre-Dame-de-Bon-Secours au sein du groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph. En France, les femmes dites migrantes, un groupe très hétérogène, représentent plus de 19 % des parturientes, d’après la dernière enquête nationale périnatale. Les risques pour ces femmes, liés à des complications hypertensives et infectieuses, mais aussi à un risque hémorragique plus élevé, sont plus grands que pour les Françaises, et la mortalité maternelle serait multipliée par cinq chez les femmes originaires d’Afrique subsaharienne.
Un système inadapté en début de grossesse
Parmi les mécanismes explicatifs, un suivi de grossesse sous-optimal. « Ces femmes échappent plus fréquemment que les autres à tout ce qui pourrait être fait en début de grossesse. La datation précise du début de grossesse est impossible dès lors que le suivi est débuté tardivement. Notre système de soins dans son organisation actuelle peine à assurer la coordination des différents acteurs appelés à intervenir en fonction de leurs facteurs de risques », dénonce le Pr Azria. Il insiste sur l’urgence de les aider à entrer plus précocement dans le suivi prénatal : « L’interface entre le monde extérieur et l’hôpital mérite vraiment d’être repensée. En renvoyant d’un standard à l’autre, la prise de rendez-vous par téléphone comporte déjà tellement d’obstacles linguistiques… Que dire alors de la prise, encouragée, de rendez-vous sur Internet ! » Des barrages qui compliquent les inscriptions en maternité pour ces femmes particulièrement fragiles, repoussant d’autant ce premier contact avec les équipes de soins, surtout lorsqu’elles sont depuis peu sur le territoire français. « Résultat, les femmes consultent souvent trop tard, car elles n’arrivent tout simplement pas à entrer dans le système. Quand on est sans domicile fixe, comment trouver l’adresse d’un cabinet en secteur 1 pour réaliser l’échographie du premier, voire du deuxième trimestre, alors que l’ouverture des droits est repoussée au sixième mois ? », demande le Pr Azria, qui ne laisse planer aucun doute sur leur chance d’y parvenir. Raison de plus pour bousculer les organisations et améliorer le système.
La santé, un rempart aux inégalités
S’intéressant aux travaux de recherche réalisés sur les migrants à une échelle internationale, le chef de service estime que les politiques des pays d’accueil changent la donne : « Les dynamiques d’intégration sont très hétérogènes, et jouent clairement un rôle dans l’accès aux soins et l’état de santé. » Le système de santé doit, selon lui, rétablir une certaine équité, même s’il semble hors de portée de contrebalancer totalement les inégalités dites naturelles. Et ces femmes, qui pour certaines ont rejoint l’Europe au péril de leur vie sur des embarcations de fortune, mériteraient selon lui plus d’empathie.
Une réflexion qui résonne tout particulièrement au moment où le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies révèle que plus de 34 % de la population syrienne a fui le pays.
exergue : Notre système de soins peine à assurer la coordination des différents acteurs
Entretien avec le Pr Élie Azria, chef de service de la maternité Notre-Dame-de-Bon-Secours (groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph)
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie