Le Réseau d’Alerte et d’Investigation de Surveillance des Infections nosocomiales (ATB-Raisin) recueille depuis 2008 les consommations d’antibiotiques des établissements de santé – hôpitaux et cliniques (court, moyen, long séjour) – volontaires. « La consommation est rapportée à l’activité, exprimée en doses définies journalières [DDJ, unité définie par l’OMS] pour 1 000 journées d’hospitalisation [JH]. Ce qui permet une comparaison d’une année à l’autre, entre établissements, par secteur d’activité, par famille d’antibiotiques, etc. », souligne le Dr Catherine Dumartin (Bordeaux). Et sa couverture augmente. En 2012, le réseau rassemble 60 % des ES (1 411 ES) représentant 70 % des lits d’hospitalisation, contre 30 % des ES (861es) et 40 % des litsen2008.
Pas de recul mais un tassement de la progression
L’analyse de la cohorte stable de 600es ayant participé chaque année depuis 2008 met en évidence une augmentation de 7 % de la consommation antibiotique en 5 ans. On note toutefois une tendance récente à la stabilisation. On est passé de +3 % par an sur la période 2008–2010 à +0,5 % par an en 2011 et 2012 (1,2).
Cette évolution est assez semblable dans les différents secteurs cliniques, malgré des niveaux de consommation très différents (4 400 DDJ/1 000 JH en moyenne mais 1 500 en réanimation, 600 en médecine chirurgie, 60 en psychiatrie). Et quel que soit le secteur, la consommation n’a pas reculé, contrairement à l’objectif des plans nationaux. En outre, les antibiotiques à large spectre ont beaucoup progressé.
Augmentation inquiétante des antibiotiques à large spectre
En 5 ans, la consommation de ceftriaxone a augmenté de 48 %, au rythme régulier de 10 % par an. Celle des carbapénèmes a progressé de 37 %, mais avec une tendance à stabilisation en 2012. Et, bien que la prévalence des staphylocoques dorés méticillinorésistants ait régressé, la vancomycine a augmenté de 13 %. En revanche, la consommation en fluoroquinolones s’est stabilisée (1,2). « Les efforts de communication sur la nécessité d’épargner les fluoroquinolones ont manifestement payé. Mais il faut à l’avenir renforcer ce message en travaillant sur tous les antibiotiques. En plus d’adopter des pratiques permettant une maîtrise des consommations d’antibiotiques ciblés », conclut le Dr Dumartin.
Perspectives
« Après avoir mis l’accent sur la ville, on se rend compte qu’à l’hôpital il reste aussi bien des progrès à faire sur la consommation antibiotique. Notamment en termes de molécules à large spectre. En effet, si dans bien des cas on ne peut pas éviter les traitements probabilistes avec ces antibiotiques, on peut sûrement gagner sur la désescalade à 48–72 heures», commente le Dr Dumartin.
« Et pour améliorer les pratiques, avoir des données est un premier pas essentiel. ATB-Raisin permet un suivi et une réflexion au niveau national mais aussi local. Adhérer au réseau permet en effet aux Établissements d’avoir une photographie détaillée de leur consommation globale, par service, par classe d’antibiotiques, etc. Et de se situer par rapport aux autres : partant de là, avec le référent antibiotique, l’Établissement peut envisager des actions locales spécifiques ».
D’après un entretien avec le Dr Catherine Dumartin (Bordeaux)
(1) C Dumartin et al. Consommation d’antibiotiques dans les établissements de santé français, réseau ATB-Raisin, 2008-2010. BEH 2012; 42-43:486-90.
(2) ATB-Raisin. Rapports annuels sur le site de l’InVS : www.invs.sante.fr/raisin/
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Le réseau couvrait 70 % des lits d’hospitalisations en 2012
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Quel que soit le secteur, la consommation n’a pas reculé, contrairement à l’objectif
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La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
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