La présence intestinale de Saccharomyces cerevisiae, ou levure du boulanger, aggrave la colite de la maladie de Crohn en élevant la production d’acide urique, selon une étude chez la souris publiée dans « Science Translational Medicine ». Alors que deux tiers des patients atteints d’une maladie de Crohn ont des anticorps anti-ASCA (anti-saccharomyces cerevisiae antibodies), ces résultats ouvrent des perspectives thérapeutiques car l’allopurinol s'est révélé bénéfique dans un modèle murin.
« Alors que la présence d’anticorps ASCA est utilisée comme un outil diagnostique pour la maladie de Crohn depuis un certain temps, on ne sait pas grand-chose sur l’influence du mycobiote sur le cours de la maladie, explique au « Quotidien » June Round, chercheuse à l’université médicale d’Utah à Salt Lake City, qui a dirigé l’étude.Saccharomyces cerevisiae est un champignon unicellulaire couramment trouvé dans l’environnement, la nourriture (dans la levure de boulanger et la levure de bière) et dans l’intestin ».
Bénéfice de l'allopurinol
« Nous avons découvert que la présence intestinale de S. cerevisiae aggrave la colite chez la souris, et cela par l’induction du métabolisme des purines de l’hôte dans l’épithélium intestinal. L’aggravation de la colite peut être prévenue par l’administration d’allopurinol, un médicament empêchant l’accumulation d’acide urique (produit final du métabolisme des purines), précise-t-elle. Puisque l’allopurinol est déjà approuvé en traitement de la goutte et a peu d’effets néfastes, j’espère que des cliniciens l’évalueront dans des essais cliniques contre la maladie de Crohn. »
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), incluant la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique (RCH), résultent d’une réaction immunitaire mal régulée envers le microbiote intestinal. Ce microbiote représente un écosystème complexe composé de bactéries, champignons, virus et archae. Cependant la majorité des études à ce jour se sont uniquement concentré sur le rôle des bactéries dans les MICI. Or des anticorps (ASCA) dirigés contre le champignon Saccharomyces cerevisiae sont souvent présents chez les patients atteints de la maladie de Crohn (ASCA IgG chez 70 % et ASCA IgA chez 35%) et peuvent être utilisés pour le diagnostic différentiel entre MC et RCH. Le rôle de cette levure dans les MICI restait toutefois incertain.
Perméabilité de la barrière intestinale
Chiaro et coll. ont maintenant montré que la colonisation intestinale par S. cerevisiae chez les souris (sans germe) aggrave la colite induite chimiquement (en majorant les lésions, la perte des cryptes, et l’infiltration cellulaire) et augmente la perméabilité de la barrière intestinale ; par contraste, la colonisation avec un autre champignon commensal de l’intestin (Rhodotorula aurantiaca) est sans effet néfaste.
Un dépistage fécal des métabolites chez ces souris a révélé que la colonisation par S. cerevisiae augmente le métabolisme des purines de l’hôte, et majore la production d’acide urique dans l’intestin. Celle-ci aggrave la colite et augmente la perméabilité intestinale. De façon intéressante, un traitement par allopurinol réduisant l’acide urique chez les souris améliore la colite. Enfin, en analysant le sérum de 168 hommes et femmes sains, les chercheurs ont constaté une corrélation entre les taux d’anticorps ASCA et les taux d’acide urique.
Cette étude suggère donc que l’allopurinol pourrait offrir un bénéfice thérapeutique chez les patients ayant une maladie de Crohn avec des taux élevés d’ASCA et d’acide urique, ce qui devra être évalué dans des essais cliniques. En attendant, on sait que l’allopurinol est parfois utilisé pour augmenter l’efficacité de l’azathioprine et 6-mercaptopurine chez les patients ayant une MC, et une amélioration clinique majeure est signalée par certains patients. Ces résultats soulèvent aussi la question de savoir si une thérapie anti-levure ou l’élimination des aliments contenant des levures vivantes pourrait offrir un bénéfice thérapeutique pour les patients atteints de MICI, notent les chercheurs.
Science Translational Medicine, 9 mars 2017, Chiaro et coll.
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