LA FIBRILLATION AURICULAIRE (FA) est classiquement décrite comme un état « d’excitation anarchique du myocarde des oreillettes », l’activité sinusale étant remplacée par des impulsions extrêmement rapides et irrégulières responsable de « contractions vermiculaires dispersées et inefficaces » (ou « grouillement vermiculaire ») au niveau des parois auriculaires.
À la recherche des sources des FA, de la physiopathologie à la « stratégie de guérison ».
Malgré cette description faite de désordre, le trouble du rythme prend naissance au niveau de foyers-source qui déclenchent la maladie. Il revient à Michel Haïssaguerre et coll. (Bordeaux) d’avoir montré que ces foyers ectopiques jouent le rôle essentiel de gâchette et qu’ils sont, pour l’essentiel, situés en dehors du cœur, au niveau des manchons musculaires qui entourent les veines pulmonaires à 2-4 cm de leur jonction avec l’oreillette gauche. Ces sources peuvent faire l’objet d’une ablation chez des patients sélectionnés.
L’ablation chirurgicale, ou intervention de Cox-Maze, est dorénavant moins pratiquée. Mais l’ablation par courant de radiofréquence est beaucoup moins agressive. Elle consiste à réaliser, par cautérisation, une « déconnexion électrique » circulaire pour isoler chacune des veines pulmonaires. L’énergie habituellement utilisée est le courant de radiofréquence. Cette thérapie a permis la guérison de 150 000 personnes chaque année avec une augmentation rapidement croissante des indications.
Près de 390 publications de référence.
Pour se rendre compte de l’apport d’un auteur dans une discipline, plusieurs méthodes sont possibles. L’un d’elle consiste à interroger « Medline PubMed », qui joue le rôle de thermomètre scientifique dans le milieu médical. La liste des publications dans des revues à comité de lecture dont Michel Haïssaguerre est l’un des auteurs atteint 388 articles fin février 2010, le premier enregistrement d’un article dans la banque de données remontant à 1982 dans la « Semaine des Hôpitaux ». La première publication relevée dans PubMed consacrée à la FA date de 1985 dans les « Archives des Maladies du Coeur et des Vaisseaux ». Six publications dans le « New England Journal of Medicine », 49 dans la revue « Circulation », 50 revues de la littérature, 17 éditoriaux, des recommandations… Membre de 4 sociétés savantes, membre référent de 15 revues scientifiques, auteur d’un article cité 2 400 fois…, Michel Haïssaguerre est un pionnier de l’ablation. Quel a été son cheminement ?
Sortir des sentiers battus.
Voulant sortir des sentiers battus, Michel Haïssaguerre a tout d’abord eu une intuition, l’idée d’enregistrer les premières millisecondes de la FA. Il s’est ainsi rendu compte que dans 9 cas sur 10, la FA démarre dans la région des veines pulmonaires, alors que l’on ne soupçonnait pas que ces veines puissent avoir une activité électrique. Ces travaux de cartographie ont été effectués entre 1994 et 1998. Mais en réalité, leurs parois ont une architecture très complexe, et elles sont notamment envahies par des languettes de tissu musculaire cardiaque dotées d’une activité électrique.
Sur la base de cette constatation, de 1994 à 1998, l’équipe de M. Haïssaguerre a entrepris d’exclure les foyers ectopiques gâchette par cryothérapie ou par radiofréquence, ce qui a permis, par la disparition de l’arythmie, de confirmer la preuve du concept.
L’électrophysiologie guidée par la navigation magnétique.
La progression des cathéters utilisés en électrophysiologie peut dorénavant être guidée par la navigation magnétique, qui n’est actuellement utilisée que par quelques centres dans le monde, notamment à Bordeaux depuis 2007. En pratique, un champ magnétique faible enveloppe le thorax du patient. Télécommandé par ordinateur, il permet de diriger précisément et directement le mouvement de l’extrémité distale du cathéter.
À la recherche des sources des fibrillations ventriculaires.
La même approche originale de recherche des sources a été appliquée aux fibrillations ventriculaires bien que leur caractère foudroyant impose une défibrillation immédiate chez l’homme (par choc électrique) qui interdit leur cartographie plus de quelques secondes. L’équipe de M. Haïssaguerre a identifié que cette « tornade électrique » naissait aussi de sources localisées, dans le tissu de Purkinje, qui ne représente qu’une fraction infime (2 %) de la masse cardiaque. La preuve du concept a été validée par la destruction focalisée de ces sources chez quelques patients entraînant l’élimination totale de cette arythmie avec un recul atteignant huit années actuellement. L’impossibilité d’effectuer des cartographies plus élaborées impose le recours à des recherches expérimentales et théoriques (modélisation) dans cette affection gravissime pour mieux caractériser les propriétés de ce tissu, ses interactions avec le myocarde contractile et envisager une thérapie ou une prévention de la mort subite pour la population générale.
Le prix Louis-Jeantet
Ces recherches ont l’intérêt conceptuel de montrer que des phénomènes apparemment très complexes faisant appel aux théories du chaos peuvent avoir une origine discrète. Elles ont ouvert la voie à la thérapie des fibrillations atriales et soulèvent de grandes espérances dans le domaine des arythmies gravissimes conduisant à la mort subite. Pour l’ensemble des travaux du Pr Haïssaguerre, la fondation Louis-Jeantet a décidé de lui attribuer son prix de médecine 2010. La cérémonie se tiendra à Genève le jeudi 22 avril 2010. Le montant de ce prix sera utilisé pour l’équipement du laboratoire expérimental d’électrophysiologie et de modélisation.
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