Comment un régime pauvre en fibres affecte-t-il le microbiote intestinal et la santé ? Une étude chez la souris montre qu’une consommation insuffisante de fibres modifie rapidement le microbiote et favorise la prolifération des bactéries qui dégradent le mucus du côlon. L’érosion de cette barrière favorise la colite infectieuse.
« En étudiant le lien entre les fibres alimentaires, les microbes intestinaux et le système de barrière intestinale, nous avons appris une leçon : si vous ne nourrissez pas vos bactéries intestinales, elles peuvent vous manger », résume le Pr Eric Martens de l’université médicale du Michigan (Ann Arbor, États-Unis) qui a codirigé l’étude publiée dans la revue « Cell ».
Trois types d'alimentation différents
L’alimentation dans les pays industrialisés s’est considérablement appauvrie en fibres, et ce déficit est associé à diverses maladies. Comment notre microbiote intestinal, équipé de milliers d’enzymes pour digérer les fibres, contribue-t-il à cette association ? Le Pr Martens et ses confrères américains, luxembourgeois et français (Bernard Henrissat, université Aix-Marseille) offrent un nouvel éclairage.
Les chercheurs ont étudié des souris colonisées exclusivement par un microbiote intestinal humain synthétique (14 espèces commensales représentatives) en leur offrant 3 types d’alimentation : la première riche en fibres naturelles, composée à 15 % de graines et de plantes, ce qui équivaut à une consommation humaine de 60 g de fibres/j ; la deuxième sans fibres ; la troisième riche en fibres prébiotiques, un mélange de glycans comparable aux prébiotiques courants (inuline, bêtaglucan…).
Des modifications rapides
L'objectif était d'étudier l’effet d’un changement d’alimentation, prolongé ou même rapide sur 1 à 4 jours, afin de simuler les fluctuations d’alimentation chez l’homme. L’impact de l’alimentation sur le microbiote est profond et rapide.
Une alimentation sans fibres naturelles, le temps même d’une journée, modifie le microbiote, en augmentant la prolifération d’espèces bactériennes dégradant les glycoprotéines du mucus (Bacteroides caccae, Akkermansia muciniphila) et en abaissant les espèces qui dégradent uniquement les fibres (Bacteroides ovatus, Eubacterium rectale).
La consommation insuffisante de fibres complexes entraîne de fait une érosion de la couche de mucus tapissant le côlon. Autre constat important, l’apport de fibres prébiotiques ne peut atténuer l’érosion microbienne de la barrière du mucus.
Les chercheurs montrent aussi que le régime sans fibres accroît la susceptibilité à l’infection par Citrobacter rodentium, une bactérie intestinale pathogène chez la souris servant de modèle pour E. coli. chez l’homme. Ainsi, comparé au régime riche en fibres, le régime sans fibres chez les souris colonisées par le microbiote synthétique et infectées favorise l’inflammation plus étendue du colon et une maladie plus sévère. Le régime riche en fibres n’épargne cependant pas l’inflammation du côlon distal et du rectum, mais la morbidité des souris est moindre.
Des applications chez l'homme ?
Par ailleurs, une comparaison avec des souris sans germes montre que les bactéries commensales majorent la gravité de l’infection, possiblement en stimulant la réponse co-inflammatoire.
« Il reste à savoir pourquoi le régime riche en fibres protège le côlon de l’inflammation sauf dans sa portion distale et le rectum », explique au « Quotidien » le Dr Martens. Il est possible que la majorité des fibres soient métabolisées par le microbiote avant d’atteindre le côlon distal. Une stratégie pour remédier à cela pourrait consister à augmenter l’apport de fibres ingérées ou accroître leur disponibilité par la cuisson. » L'équipe envisage d'étudier ces 2 hypothèses dans le futur.
Ces résultats, qui s’étendent vraisemblablement à l’homme, pourraient être exploités afin d’améliorer la santé par des interventions diététiques. « La qualité de notre alimentation influence notre microbiote intestinal profondément et très rapidement. Aussi, il est important non seulement de bien manger, mais cela de façon régulière », souligne au « Quotidien » le Dr Martens. Son prochain objectif est de reproduire l’étude dans un modèle murin de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), confie-t-il. « Notre hypothèse est qu’un déficit régulier en fibres alimentaires puisse contribuer aux poussées des MICI chez les personnes susceptibles », conclut-il.
Cell 17 novembre 2016, Desai et coll.
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