Le traitement anticoagulant, en dehors de ses indications électives représentées par la fibrillation atriale ou l’existence d’un thrombus intraventriculaire gauche, ne fait pas partie de la panoplie thérapeutique de l’insuffisance cardiaque, malgré le haut risque thrombo-embolique qui la caractérise. Ce risque est d’ailleurs maximal après un épisode de décompensation, du fait d’un syndrome inflammatoire, d’une dysfonction endothéliale et surtout d’une stase sanguine globale (induite par la diminution du débit circulatoire et de l’activité physique et locorégionale) favorisée par les zones dyskinétiques ventriculaires et la dilatation auriculaire, augmentant à la fois le risque d’accident cardio-embolique et le risque thrombo-embolique veineux.
Absence de bénéfice pour le rivaroxaban
Comme les antivitamines K, qui n’avaient pas démontré de bénéfice dans quatre essais thérapeutiques utilisant la warfarine (HELAS, WARCEF, WASH et WATCH) chez les insuffisants cardiaques en rythme sinusal (mais dont l’efficacité a pu être réduite par une diminution du temps passé dans la fourchette thérapeutique associée à l’insuffisance cardiaque), les anticoagulants oraux directs sont en échec, aucun bénéfice du rivaroxaban n’ayant été retrouvé à court ou long terme dans deux études récentes.
Dans l’essai MARINER, incluant quelque 12 000 sujets à haut risque de maladie thrombotique veineuse clinique ou biologique, le rivaroxaban à la posologie de 10 mg/j (ou de 7,5 mg/j en cas de débit de filtration glomérulaire entre 50 et 30 ml), était administré versus placebo dans les 45 premiers jours suivant une hospitalisation pour une pathologie médicale, dont l’insuffisance cardiaque aiguë. Il n’a pas diminué le risque de thrombose veineuse symptomatique ou d’embolie pulmonaire, mortelle ou non (RR = 0,76 ; IC 95 % = 0,52-1,09).
Dans l’étude COMMANDER-HF, réalisée spécifiquement chez des patients présentant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite d’origine ischémique, le rivaroxaban (2 × 2,5 mg/j, posologie révélée efficace au cours des essais ATLAS et COMPASS chez les coronariens), initié après un épisode de décompensation et poursuivi au long cours, n’a diminué, par rapport au placebo, ni le critère primaire de l’étude, associant décès, infarctus et AVC (HR = 0,94 ; IC 95 % = 0,84-1,05), ni la mortalité totale (HR = 0,98 ; IC 95 % = 0,87-1,10), ni les hospitalisations pour insuffisance cardiaque (HR = 0,98 ; IC 95 % = 0,89-1,09).
Ce cinquième essai contrôlé, n’ayant pu démontrer de bénéfice du traitement anticoagulant chez les patients insuffisants cardiaques en rythme sinusal, confirme que ce ne sont pas les événements thrombotiques qui sont responsables de la plus grande partie des décès dans cette maladie, la mortalité totale représentant 88 % des événements du critère primaire, alors que les infarctus et les AVC sont peu nombreux. Chez les insuffisants cardiaques chroniques en rythme sinusal, les anticoagulants ne sont donc pas indiqués après un épisode de décompensation, que ce soit à court ou à long terme.
Rechercher l’amylose à transthyrétine
Le traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée doit être avant tout étiologique, et une enquête exhaustive doit donc être réalisée, comportant IRM et scintigraphie au biphosphonate, à la recherche notamment d’une amylose à la transthyrétine, en cause dans environ 15 % des cas. En effet, nous possédons maintenant avec le tafamidis un traitement efficace qui limite les dépôts de transthyrétine, qu’elle soit sauvage ou mutée, par stabilisation de la protéine sous forme tétramérique non fibrillaire.
Au cours de l’essai ATTR-ACT, incluant 441 patients atteints d’amylose à la transthyrétine sénile (75 %) ou héréditaire (25 %) en insuffisance cardiaque, ce produit testé à deux posologies (20 et 80 mg/j) versus placebo a diminué de 30 % la mortalité par rapport à ce dernier, et de 32 % les hospitalisations pour insuffisance cardiaque après un suivi de trente mois, sans effets secondaires notables, la dose de 80 mg semblant la plus efficace.
Traiter l’insuffisance mitrale secondaire ?
Le traitement invasif de l’insuffisance mitrale fonctionnelle compliquant le cours évolutif d’une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite, malgré son efficacité mécanique, avec une diminution importante de la fuite tant à court qu’à long terme, n’a pas d’impact sur le pronostic, qui semble plus lié à la sévérité de la cardiomyopathie sous-jacente qu’à celle de la fuite. En effet, les résultats de l’essai académique français, multicentrique et randomisé MITRA-FR, ayant inclus 304 insuffisants cardiaques avec fraction d’éjection inférieure à 40 % et insuffisance mitrale secondaire symptomatique de grade III ou IV, semblent sans appel : malgré un taux de succès de la procédure élevé et une efficacité sur la réduction de la fuite, aucun bénéfice n’est retrouvé sur les taux de décès et d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque à 12 mois (RR = 1,16 ; IC 95 % = 0,73-1,84), y compris en analyse per-protocole.
L’insuffisance mitrale secondaire est donc plus un marqueur de mauvais pronostic, ce que confirme un taux d’événements à un an de 51 % dans le groupe contrôle, qu’un facteur pronostique, sa correction n’influençant pas le devenir des patients.
Recourir à la télésurveillance
La télésurveillance non invasive des patients insuffisants cardiaques, disponible en France depuis le début de l’année, mérite d’être développée. En effet, alors que les dernières études qui lui avaient été consacrées s’étaient révélées décevantes, l’essai prospectif, randomisé, contrôlé, multicentrique, conduit en ouvert, TIM-HF2 a confirmé son bénéfice chez 1 571 patients présentant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée ou réduite ayant été hospitalisés dans les douze derniers mois. Après un suivi moyen d’un an, on observe dans le groupe avec télésurveillance quotidienne du poids, de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque, de l’oxymétrie et des symptômes, une diminution de 30 %, par rapport au groupe contrôle, de la mortalité totale, associée à une réduction d’une semaine par an du nombre de jours perdus en hospitalisation non programmée.
Il reste à espérer que l’essai OSICAT, réalisé en France, qui se limite à la télésurveillance du poids et des symptômes associée à un accompagnement thérapeutique, confirme ces résultats.
Si le traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite marque le pas, on peut donc pour conclure se réjouir que celui de sa forme à fraction d’éjection préservée s’améliore enfin, grâce, d’une part, au traitement étiologique des amyloses à la transthyrétine et, d’autre part, à l’amélioration de son suivi, notamment la gestion du traitement diurétique, grâce à la télésurveillance.
1 Fédération de cardiologie, hôpital Rangueil (CHU de Toulouse)
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