Si pour la première fois, le nombre de décès annuels liés au Sida est passé sous le seul de 1 million, Michel Sidibé, directeur exécutif de l'ONUSIDA, estime que « ce n'est pas le moment de baisser la garde » et regrette une « baisse des investissements financiers ». En amont de la 22e édition de la conférence internationale sur le Sida (AIDS 2018) qui aura lieu à Amsterdam du 23 au 27 juillet, l'ONUSIDA a dévoilé son rapport annuel.
En 2017, 21,7 millions de patients bénéficiaient d'un traitement antirétroviral sur un total de 36,9 millions de personnes séropositives. Toutefois, l'objectif fixé pour 2020 est de 30 millions de personnes sous traitement. « Si nous n'avons pas de ressources additionnelles, nous n'atteindrons pas cet objectif », déplore Michel Sidibé.
Lire l'interview de Michel Sidibé, directeur executif de l'ONUSIDA.
« À 2 ans de l'échéance de l'objectif 90/90/90*, ce rapport constitue une interpellation à l'adresse de l'ensemble des acteurs de la communauté internationale. Le combat est loin d'être terminé », indique Stéphanie Seydoux, ambassadrice française des questions de santé mondiale. Elle salue néanmoins l'engagement de la France : « face aux besoins de ressources nécessaires, notre pays s'est engagé et accueillera la conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial en 2019 ».
La crise de la prévention
« Nous avons besoin de mobiliser 14 à 18 milliards de dollars pour le Fonds mondial. Nous attendons d'Emmanuel Macron qu'il joue son rôle de premier de cordée dans la lutte contre le VIH », souligne cependant Aurélien Beaucamp, président de AIDES.
« En Afrique de l'ouest et du centre notamment, les financements domestiques sont quasi inexistants. La solidarité internationale est donc très importante. Quelles seraient les conséquences de l'arrêt de cette solidarité ? », interroge Yves Yomb du Réseau Alliance globale des communautés pour la santé et les droits (Cameroun).
« Nous ne pouvons pas tolérer que l'histoire se répète alors que les moyens techniques et scientifiques pourraient permettre de mettre fin à l'épidémie. La communauté internationale doit se remobiliser sur le Sida pour éviter cette fracture entre le Nord et le Sud », estime Aurélien Beaucamp.
Michel Sidibé a également mis l'accent sur « la crise de la prévention » et appelle à « une transformation en profondeur ». « Nos programmes de prévention n'atteignent pas les populations clés : hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes, migrants, travailleurs du sexe, usagers de drogue… », estime-t-il. Or, environ 40 % des nouvelles infections concernent ces populations à risque et leurs partenaires. « Il est difficile de toucher ces populations qui sont victimes de stigmatisation et de discrimination et qui se cachent », souligne Yves Yomb.
Par ailleurs, Michel Sidibé a également évoqué une situation non satisfaisante pour les enfants, eux aussi « laissés pour compte » de la lutte contre le Sida. Ce sont encore 180 000 enfants qui ont été infectés par le VIH en 2017. Il appelle à mettre en place des programmes d'éducation globale à la santé très tôt et à poursuivre les efforts pour éliminer la transmission mère-enfant. Il regrette « une retraite par rapport à cet engagement ».
Enfin, le directeur exécutif de l'ONUSIDA a annoncé qu'un travail était fait pour étudier de manière plus fine le lien entre violences physiques ou sexuelles faites aux femmes et risque d'infection VIH.
« Une politique migratoire qui précarise »
« Nous devons continuer d'agir pour que la fin du VIH/Sida en 2030 devienne une réalité en faisant reculer les obstacles : fragilité des systèmes de santé, pénurie de personnels de santé mais aussi discrimination et stigmatisation… », avance Stéphanie Seydoux.
Nicole Tsagué, militante de AIDES a quant à elle dénoncé « une politique migratoire en France qui précarise » et appelle à simplifier l'accès au titre de séjour pour les personnes malades. « Il est temps d'adopter des politiques d'accueil et d'asile plus dignes et respectueuses du parcours de chacun. C'est une question d'humanité et de santé publique ».
*90 % des personnes infectées dépistées / 90 % des personnes infectées dépistées sous traitement / 90 % des personnes sous traitement ayant une charge virale indétectable
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