Pr Philippe Morlat, infectiologue

Rapport VIH : Se poser la question de l'optimisation du traitement une fois par an

Publié le 13/02/2017
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Crédit photo : PHANIE

LE QUOTIDIEN : La réactualisation des recommandations sur la prise en charge des personnes vivant avec le VIH est prévue cette année. La forme du rapport change avec, pour la première fois, une mise en ligne étagée des chapitres depuis octobre 2016. Quel est le calendrier ?

Pr PHILIPPE MORLAT : L'ensemble du rapport initial de 2013 est revu sur une durée d'un an. L'actualisation se fait cette année au fur et à mesure, chapitre par chapitre, avec une mise en ligne immédiate. Depuis le dernier quadrimestre 2016, six chapitres sur l'évolution en matière de traitement sont déjà disponibles.

La dizaine de chapitres restant, qui concerne la prise en charge de la personne dans son intégralité, sera réactualisée d'ici mai 2017. Vont arriver sous peu les co-infections par les hépatites virales, les accidents d'exposition au sang (AES), la surveillance au long cours des cancers et des comorbidités. Le chapitre sur les cancers sera mis en ligne conjointement avec l'INCa.

J'ai l'espoir qu'à l'occasion du grand congrès de l'International AIDS Society (IAS) Conference qui se tiendra à Paris en juillet 2017, le rapport finalisé sera remis sous forme papier.

Quel(s) grand(s) changement(s) faut-il retenir concernant la prise en charge de l'infection VIH ?

Le dogme de la trithérapie lors de l'initiation est une étape majeure qui reste plus que jamais de mise. Des arguments supplémentaires sont venus renforcer la position adoptée très tôt en France, qui a été le 2e pays au monde et le 1er en Europe. Les combinaisons incluant des anti-intégrases, une famille qui a tardé à passer en première ligne, sont désormais majoritaires.

Ce qui est nouveau, c'est que, chez les patients traités avec succès, le dogme de la trithérapie tombe. On introduit maintenant la possibilité de bi voire de monothérapie, voire de traitements séquentiels avec arrêt quelques jours par semaine. Ces options ne sont pas valables pour tout le monde, mais nous sommes volontaristes dans le domaine.

Simplifier le traitement présente des bénéfices sur les effets secondaires et sur les dépenses, qui sont réduites d'un tiers voire de deux tiers. La trithérapie coûte 10 000 euros/an. À enveloppe constante, c'est autant d'argent qui peut être réalloué pour lutter contre l'épidémie cachée et relancer la dynamique de dépistage et de traitement immédiat.

Quand et comment simplifier le traitement ? Est-ce si simple, notamment en termes de galénique ? Où en est-on de l'option à l'étude d'arrêt prolongé de traitement en cas de guérison fonctionnelle ?

Il est recommandé de se poser au moins une fois par an avec le patient pour discuter avec lui de l'opportunité d'une simplification de la trithérapie. Cela peut se faire par exemple lors du bilan annuel de synthèse. « Vous prenez la trithérapie depuis tant de temps, il n'y a pas d'échec, on pourrait vous proposer telle ou telle chose… ». Schématiquement, la durée moyenne avant de simplifier est de 2 ans.

Paradoxalement, la simplification du traitement peut être plus compliquée pour le patient. Aujourd'hui, la trithérapie se prend en 1 gélule et l'optimisation du traitement nécessite de repasser à 2 cps. Cela ne peut se faire qu'avec son accord. C'est important de bien expliquer les avantages sur la santé : moins de toxicité rénale, moindre risque cardio-vasculaire, moins d'ostéoporose.

En revanche, nous sommes en retrait par rapport aux années antérieures concernant la guérison fonctionnelle et la possibilité de traitements intermittents avec arrêt prolongé. Les dernières données n'y sont pas favorables.

Quelles sont les lignes directrices concernant le suivi au long cours ?

L'infection VIH est devenue chronique à 90-95 %. L'espérance de vie est identique à celle de la population générale mais grevée de comorbidités plus importantes. Ceci dit, miss à part des interactions médicamenteuses liées aux antirétroviraux, les recommandations de la population générale s'appliquent, y compris pour les cancers. Il y a de moins en moins de spécificités chez les sujets séropositifs non immunodéprimés et ayant une charge virale indétectable.

Propos recueillis par le Dr I. D.

Source : Le Quotidien du médecin: 9555