AGADEZ (Nord Niger), hiver 2005. Une petite équipe médicale débarquée de Haute Savoie rencontre un passionné de la région et de ses déserts, Philippe Bastien. L’ex-cadre de l’industrie pharmaceutique, aujourd’hui patron d’un cabinet de communication événementielle, et les quatre médecins et les trois infirmières haut-savoyards sont partagés entre l’accablement et la révolte devant l’indescriptible misère sanitaire qu’ils découvrent. « L’hôpital, avec un infirmier unique et une trentaine de chambres, était en fait un mouroir, se souvient Philippe Bastien. Une nuit, un gamin est mort devant nous parce qu’il n’y avait pas la possibilité de remplacer sa perfusion. Le lendemain matin, les humanitaires onusiens avec leurs Ray-Ban qui paradaient en 4x4 offraient un spectacle vraiment intolérable. »
Missions médicales.
De cette intolérance allaient naître tout d’abord Les Mamans du soleil. En quatre ans, l’association s’est forgée une légitimité sur le terrain, reconnue à la fois par les autorités nigérianes de santé et le ministère des Affaires étrangères français. L’enthousiasme et le professionnalisme s’y sont retrouvés dès le départ. À la manuvre médicale, le Dr Françoise Jacquier et son équipe de Saint-Julien-en-Genevois ont multiplié les missions, se fixant pour règle de les programmer à un rythme au moins bimestriel. Des missions pour effectuer des actes médicaux auprès des mères et des enfants hospitalisés, fournir médicaments, matériel médical, matériel d’équipement, assurer des transferts de compétence auprès des personnels soignants et dispenser des formations sanitaires à la population.
À la manuvre pour l’organisation, bannissant les modalités de gestion à la petite semaine, Philippe Bastien a mis à contribution ses réseaux, en France comme au Niger, déverrouillant un à un les étaux administratifs, convainquant tel labo, telle compagnie aérienne de fournir son concours. Une démarche pragmatique de la part d’un homme qui, s’agissant d’humanitaire, découvre, comme il dit, la marche en marchant, à tâtons tout d’abord, sans se départir de sa rigueur entrepreneuriale.
Les moyens de vivre.
Le montage des Mamans du soleil n’est qu’un début, dans ce pays quasiment le plus pauvre de la terre (classé au 173 e rang mondial sur 175), avec une espérance de vie moyenne de 41 ans, une mortalité maternelle de 10 % et une mortalité infantile de 26 %. « Un personnage de Sartre, dans "Kean", affirme que sauver les gens ne saurait suffire si on ne leur fournit pas ensuite les moyens de vivre, note le président de l’ONG. Et c’est la raison d’être de la deuxième association que nous avons montée, Les Matins du soleil. »
Créée l’été dernier, elle s’est déjà lancée dans des activités génératrices de revenus (AG) ; il ne s’agit ni de simples dons, qui entretiendraient la précarité et la dépendance, ni d’opérations de microcrédit, qui relèvent de l’organisation bancaire, mais de microprojets dont les revenus servent tout à la fois à faire vivre des familles et à alimenter des caisses coopératives. À la clé, suivent des financements, en cascade, de nouveaux projets. En quelques mois, deux programmes ont été lancés : une opération artisanale de maroquinerie et vannerie en milieu urbain, qui implique une dizaine de familles et, en zone rurale, la réhabilitation de deux puits pour irriguer des cultures d’oignons, dans les montagnes de l’Aïr. D’autres projets devraient démarrer sous peu, pour une « teinterie » (teinturerie dans le parler local) de coton, ou une fabrique de bijoux ethniques.
De leur côté, les Mamans du Soleil viennent d’équiper l’hôpital d’une parabole pour recevoir, grâce à l’Internet satellitaire, des programmes de transfert de compétence. L’hôpital a déménagé l’an dernier dans de nouveaux locaux, où ses moyens se sont nettement améliorés. L’époque de la maternité mouroir est révolue. Mais la guérilla continue à déstabiliser la région. Pour rallier Agadez depuis Niamey, les équipes de MDS doivent parcourir 1 000 km de pistes sous escorte militaire.
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