L’award de l’Amercian Society of Microbiology a été décerné à un français… Aujourd’hui parti en Suisse. Il s’agit du Pr Patrice Nordmann, qui a été distingué pour ses travaux sur la résistance aux antibiotiques chez les bactéries à gram négative.
10 millions de morts par an
Le Pr Patrice Nordmann a souligné l’urgence du problème lors cette remise de prix. Le Premier ministre britannique indiquait ainsi, voilà quelques mois, que la résistance bactérienne et les infections qui s’ensuivent seront responsables de 10 millions de morts par an en 2050 à l’échelle planétaire, si rien n’est fait pour endiguer le phénomène. Plus de décès que ce que cause le cancer ! L’Afrique et l’Asie seraient lourdement touchées, avec plus de 4 millions de morts chacune.
Le problème n’est plus celui des cocci gram + résistants (SAMR, ERG, etc.). La situation semble stabilisée, voire en voie d’amélioration : « these resistances are under control », a-t-il déclaré. Mais les choses sont tout à fait différentes quand on s’intéresse aux bactéries à gram négatives : bacille pyocyanique, Acinetobacter et tout particulièrement aujourd’hui les entérobactéries exprimant des bétalactames à spectre étendu (EBSLE).
Si, en Suisse, les EBSLE progressent mais restent minoritaires, avec 5 % des E. coli et 10 % des Klebsiella qui exprime une BLSE, en Asie du Sud les chiffres sont plutôt de 60 % voir 80 % dans certaines zones !
Ces infections à EBLSE restent curables, mais obligent de recourir à des bêtalactamines + inhibiteurs de bêtalactamases, ou à des pénèmes. Et la crainte d’être confronté à de telles infections conduit nombre de prescripteurs à utiliser ces molécules de recours d’emblée, en probabiliste, exerçant par là même une pression de sélection qui fait le lit de la diffusion des entérobactéries productrices de carbapénèmases (EPC).
Limiter le recours aux réserves
Il est donc urgent de disposer de méthodes diagnostiques permettant de repérer en quelques dizaines de minutes ce type de résistance pour limiter l’inutile recours aux molécules de réserve. Le test que le Pr Patrice Nordmann a pu développer avec son équipe (« rapid BLSE NP test ») permet d’obtenir cette information en 30 secondes.
Une diffusion éclair
Le Pr Patrice Nordmann a ensuite décrit la diffusion actuelle des EPC – KPC, NDM, oxa 48… Insistant en particulier avec ces dernières, aujourd’hui les plus répandues en France.
Lorsque toutes les mesures barrière préconisées ne sont pas mises en place, les épidémies se diffusent particulièrement vite en milieu hospitalier. Ceci étant favorisé par la capacité qu’ont les entérobactéries de se transmettre le plasmide de résistance. Ainsi, on peut identifier une E. coli oxa 48 le lundi, une K. pneumoniae oxa 48 le mardi, E. cloacae oxa 48 le mercredi, et P. mirabilis oxa 48 le jeudi !
Une mortalité importante
Et de citer une étude indienne qui met en évidence la morbimortalité liée à ces souches d’EPC (NDM) : mortalité de 63 % à J 28 chez des patients présentant des bactériémies à EPC, versus 28 % chez ceux avec bactériémie à entérobactéries non multirésistantes (p = 0,008).
Les moyens à portée de main
À l’issue de ces constats, le Pr Patrice Nordmann a souhaité conclure sa présentation sur une note d’espoir. D’abord parce qu’on sait ce qu’il faut faire pour enrayer le phénomène : poursuivre de la surveillance épidémiologique ; prévenir la transmission croisée (hygiène des mains) ; gérer le bon usage des antibiotiques (« antibiotic stewardship ») ; améliorer les tests diagnostiques (plus rapides). Ensuite, parce qu’enfin existe une prise de conscience par les politiques et que dès lors, l’argent nécessaire à mettre œuvre les mesures nécessaires pourra sans doute être trouvé !
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