Le seuil de définition de l'hypertension artérielle (HTA) passe en effet aux États-Unis de 140/90 à 130/80 mm Hg. Résultat près d'un américain sur deux est désormais hypertendu : 46 % selon les projections versus 32 % aujourd'hui. Et bon nombre d'entre eux, y compris dans la tranche 130-140/80-90 mm Hg définie par HTA de grade 1 versus HTA de grade 2 au-delà de 140/90, pourraient relever d'un traitement médicamenteux. Toutes les HTA de grade 1, associées à un haut risque cardiovasculaire, imposant en effet dans ce texte un traitement médicamenteux. Que penser, pourquoi une telle révolution ?
Une réelle opportunité épidémiologique témoignant du pragmatisme américain
Abaisser le seuil de la pression artérielle (PA) de la définition de l'HTA va dans le sens de l'histoire. C'est ce qu'on a déjà fait pour tous les autres facteurs de risque cardiovasculaire comme la glycémie et le cholestérol (LDLc).
Il y a aussi une pertinence épidémiologique. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) dit de l'HTA que c'est le premier malfaiteur au monde. Elle est en effet extrêmement prévalente et serait responsable de plus de 10 millions de morts par an. Et agir sur la PA a un bien plus grand impact sur le risque cardiovasculaire qu'agir sur le tabac, les glycémies ou même le LDLc.
En outre aux États-Unis - ce qui n'est pas nécessairement le cas en France - cibler l'HTA témoigne d'une vision pertinente de l'épidémiologie des maladies cardiovasculaires. La bataille contre le tabagisme est en effet en bonne partie gagnée Outre-Atlantique. Et d'importants progrès ont été réalisés en ce qui concerne le cholestérol. Ils ont en revanche échoué en termes de lutte contre l'obésité et le diabète.
Partant de là dans un abord très pragmatique bien typique des Américains, peser sur l'HTA est une bonne option, une option opportuniste vu l'épidémiologie des facteurs de risque dans leur population. Or c'est justement un éminent épidémiologiste, le Pr Paul K. Whelton, qui a coordonné la rédaction de ces recommandations dont la version longue fait quand même 900 pages (1). Et définir l'HTA par un seuil de 130/80 mm Hg pourrait être payant en termes de Santé Publique aux États-Unis. Entre 11,5 (valeur optimale basse) et 13,5 de PAS (pression artérielle systolique), on double en effet le risque d'accidents cardiovasculaires sans compter l'augmentation du risque rénal.
Un impact important sur le nombre de sujets à prendre en charge
La nouvelle définition américaine de l'HTA distingue celles de grade 1 - PA entre 130/80 et 140/90 mm Hg - de celles de grade 2 - au-delà de 140/90 mm Hg. Ce grade d'HTA influence les stratégies de prise en charge résumées dans un algorithme. Les HTA de grade 1 relèvent en effet dans ce texte essentiellement d'une prise en charge hygiénodiététique quand les HTA de grade 2 relèvent en plus de cette prise en charge d'un traitement médicamenteux systématique puisque, très logiquement, la cible a été abaissée à 130/80 mm Hg.
On passe donc globalement avec cette nouvelle définition de 32 à 46 % d'hypertendus. Près d'un américain sur deux est donc désormais hypertendu. Et même si, selon les auteurs - on attend toujours les estimations - le nombre d'Américains sous antihypertenseurs ne devrait pas bondir, on peut se poser des questions. En effet, parmi les hypertendus de grade 1 ceux en prévention secondaire cardiovasculaire et/ou à haut risque cardiovasculaire doivent être systématiquement traités pharmacologiquement.
Cette appréciation du haut risque s'appuyant sur leur algorithme de calcul certes compliqué (AVSR-RE), mais ni moins bon ni meilleur que le calculateur SCORE adopté en Europe.
Mais combien sont-ils ces Américains nouvellement hypertendus - HTA de grade 1 - à haut risque ? Et combien d'entre eux sans même être à haut risque devront in fine être mis sous antihypertenseur pour arriver à la cible de 130/80 mm Hg ?
Enfin combien d'anciens hypertendus - HTA de grade 2 - devront-ils intensifier leur traitement pour arriver à la cible de 130/80 mm Hg ?
Très logiquement en effet la nouvelle cible thérapeutique fixée par ces recommandations est à 130/80 mm Hg, y compris pour les diabétiques… et à la seule exception des plus de 80 ans pour lesquels la cible de PAS reste < à 150 mm Hg.
Pérennité des recommandations françaises HAS/SFHTA de 2016
En France où le tabagisme n'a pas reculé, l'obésité et le diabète ont certes augmenté mais sans commune mesure avec la situation américaine, nous n'avons aucune raison de revenir sur les dernières recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) datant de 2016. Pour mémoire la cible proposée par les recommandations françaises, et ceci depuis 2013, est chez nous entre 130 et 139 mm Hg. Donc en deçà de 140 mm Hg. La PAS est en effet pour mémoire LE critère de pression artérielle à prendre en compte comme cible tensionnelle dans la majorité des cas…
D'après un entretien avec le Pr Jacques Blacher (CHU Hôtel Dieu, Paris)
(1) Whelton PK et al. 2017 ACC/AHA/AAPA/ABC/ACPM/AGS/APhA/ASH/ASPC/NMA/PCNA. Guideline for the Prevention, Detection, Evaluation, and Management of High Blood Pressure in Adults. A Report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines. Hypertension. 2017 doi: 10.1161/HYP.0000000000000065
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie