Les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI) - regroupant la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique (RCH) - ne se limitent pas à une inflammation de l'intestin.
Environ un tiers des patients présentent des manifestations inflammatoires extra-digestives, et les atteintes articulaires périphériques sont les plus fréquentes. Une spondylo-arthrite (SpA) périphérique survient en effet dans 20 % des MC et 10 % des RCH. Parmi les mécanismes, un déséquilibre du microbiome intestinal pouvant favoriser l'inflammation systémique était évoqué. Restait à identifier les bactéries en cause et le mécanisme reliant l'inflammation intestinale à la SpA.
Chez certains patients
L'étude publiée dans « Science Translational Medicine » a permis de mettre en évidence « des différences dans le microbiome intestinal entre les patients ayant une SpA périphérique liée à la MC et les patients ayant une MC sans SpA », explique au « Quotidien » le Dr Randy Longman (Jill Roberts Center for IBD, Weill Cornell Medicine, New York), principal auteur de l'étude. « En utilisant une nouvelle technique pour isoler le microbiote immuno-réactif (IgA-seq), nous avons observé une augmentation d'un type pathogène d'Escherichia coli, appelé E. coli adhérent invasif (AIEC), dans la fraction bactérienne recouverte d'IgA chez les patients ayant une MC-SpA (et HLA-B27 négatifs). »
Les bactéries AIEC sont ainsi désignées car elles sont plus adhérentes aux cellules de la paroi intestinale et plus invasives que les souches habituelles. Le transfert de ces souches AIEC (issues des patients MC-SpA) chez des souris sans germes induit une immunité muqueuse Th17.
Les chercheurs ont aussi pu reproduire l'inflammation muqueuse et systémique Th17 observée chez les patients ayant une MC-SpA : le transfert des souches AIEC chez des souris génétiquement susceptibles à la colite (déficiente en IL-10) ou l'arthrite (souris K/BxN), déclenche une inflammation Th17 et aggrave la colite ou l'arthrite inflammatoire.
Des implications cliniques et thérapeutiques
Les résultats ont des implications cliniques. « Nous montrons la correlation entre un indice d'activité de la maladie rapporté par le patient (BASDAI) et l'abondance des Enterobacteriaceae dans la MC-SpA. Cet indice clinique couplé à la surpopulation des AIEC couverts d'IgA pourrait nous permettre de développer des outils diagnostiques afin de stratifier les patients symptomatiques et les patients à risque », précise le Dr Longman. De façon importante, notre travail souligne l'activation des voies IL-23/Th17 chez les patients ayant une MC liée à la spondylarthrite périphérique. Étant donné l'autorisation récente de la thérapie anti-IL-23 dans la maladie de Crohn, nous offrons une méthode pour guider la thérapie biologique. »
Cibler le microbiote pourrait représenter une autre approche thérapeutique dans la SpA périphérique liée à la MC. « Il est possible que la rifamixine puisse être efficace et cela devrait être évalué », estime-t-il. « La sulfasalazine s'est montrée efficace chez les patients ayant une SpA périphérique liée aux MICI, mais son mécanisme d'action n'est pas bien défini, aussi son impact sur le microbiome devrait être évalué », poursuit-il.
Enfin, l'étude a permis d'identifier une nouvelle cible thérapeutique. « Notre étude montre que les souches AIEC des patients MC-SpA hébergent le gène de virulence pduC. Ce gène permet à ces bactéries de manger le fucose abondant dans le mucus intestinal, favorisant ainsi leur rapprochement vers la couche épithéliale. Lorsque nous invalidons ce gène dans nos souches, nous empêchons la bactérie d'induire l'inflammation Th17. Cette découverte illumine une possible voie bactérienne qui pourrait être ciblée thérapeutiquement », souligne-t-il.
Bien que ces résultats soient très intéressants pour un sous-groupe de patients ayant une MC associée à la SpA périphérique, des études devront évaluer le mécanisme dans la spondylarthrite axiale, dans la SpA associée à l'HLA-B27, et dans la RCH associée à la SpA. De plus, « il reste à caractériser la réponse immune dans les articulations enflammées », conclut le Dr Longman.
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