LES CELLULES dendritiques dites « cellules D » sont qualifiées de sentinelles du système immunitaire. Présentes au niveau de la peau, des muqueuses et des tissus lymphoïdes, elles détectent la présence d’un agent pathogène et déclenchent la réponse immunitaire qui se présente sous deux formes. Une réponse immunitaire de première ligne, innée, et une réponse immunitaire spécifique ou adaptative. Cette dernière est déclenchée après avoir capturé et découpé l’intrus par présentation de ses antigènes aux cellules chargées de ce type de réponse.
C’est ce qui se passe en temps normal. Dans le cas du VIH ces fonctions ne sont qu’imparfaitement remplies. Le virus est bien capturé par les cellules dendritiques, mais il ne les infecte pas complètement « et diminue ainsi probablement une réponse immunitaire optimale, innée et spécifique », dirigée contre lui indiquent les chercheurs.
Les cellules dendritiques migrent en transportant le VIH.
« On s’aperçoit que le VIH a évolué pour contrecarrer toute restriction venant de l’hôte à l’exception de ce mécanisme », explique Monsef Benkirane, l’un des signataires de l’article. Les cellules dendritiques migrent vers les organes lymphoïdes en transportant le VIH, il y a donc une dissémination très rapide. Ce mécanisme est sans doute bénéficiaire pour le virus, peut-on supposer. Quand les chercheurs travaillent avec d’autres virus apparentés au VIH-1 - le VIH-2 et le virus simien VIS -, les cellules dendritiques sont infectées. Qu’est ce qui fait la différence ?
Ceci est dû à une protéine virale particulière, Vpx, qui n’existe pas dans le VIH-1. Vpx contrecarre un ou plusieurs facteurs de restriction qui rendent les cellules dendritiques et les cellules myéloïdes réfractaires à l’infection par le VIH-1. L’un des enjeux de la recherche est d’identifier les facteurs intracellulaires qui permettent aux cellules dendritiques de ne pas être infectées par le VIH-1. Des chercheurs français, Monsef Benkirane et coll.*, publient dans «Nature» l’identification d’un facteur de restriction, SAMHD1.
Ces chercheurs ont fondé leurs travaux sur l’observation que les cellules dendritiques sont beaucoup plus sensibles à l’infection par le VIH-1 quand elles sont manipulées pour exprimer la protéine Vpx spécifique du VIH-2 et du SIV. En isolant les protéines cellulaires interagissant avec Vpx, les chercheurs ont identifié SAMHD1. SAMHD1 inhibe les toutes premières étapes du cycle viral, empêchant ainsi la réplication du virus. Ainsi, cette protéine cellulaire connue pour jouer un rôle dans la régulation de la réponse innée pourrait permettre au VIH-1 d’échapper à la réponse immunitaire.
La protéine SAMDH1 chez les élites contrôleurs.
« C’est une piste très intéressante pour étudier les personnes qui sont " élites contrôleurs ", c’est-à-dire qui ont la capacité naturelle à contrôler le virus et à maintenir la charge virale à un niveau indétectable.» Ils ont une réponse immunitaire comme celle que l’on voudrait obtenir avec un vaccin. Ce n’est pas un facteur viral qui est responsable de cela, mais un facteur de l’hôte. Il est donc intéressant de savoir ce qu’il en est de la protéine SAMDH1 chez les élites contrôleurs.
C’est une piste importante aussi pour la mise au point d’un vaccin contre le VIH. Inhiber SAMHD1, qui peut être considérée comme une protéine antirétrovirale, augmente la susceptibilité des cellules dendritiques à l’infection par le VIH. Les essais vont commencer avec des ARNi ou des petits ARN non codants. Enfin, cela peut éventuellement aussi aider la recherche sur un vaccin anti-cancer, dans l’idée de casser la tolérance des cellules dendritiques vis-à-vis des antigènes tumoraux.
Le gène SAMDH1 est déjà connu, car il est à l’origine d’un syndrome, Aicardy-Goutières, une encéphalopathie génétique dont la symptomatologie mime une infection virale congénitale. SAMHD1 rejoint la famille des « facteurs de restriction intracellulaires » du VIH (qui comprend par exemple APOBEC3, Trim-5-alpha et Tetherin). Ces facteurs sont connus pour leur capacité à contrôler la réplication de certains virus.
*Institut de génétique humaine du CNRS à Montpellier, en collaboration avec des équipes de l’Institut Pasteur et de l’Institut Cochin, avec le soutien de l’ANRS, du Sidaction, de la FRM et du Conseil Européen de la Recherche.
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