À la fraîcheur des sous-sols de l'Institut Pasteur succède brutalement une étouffante moiteur.
Nous sommes dans l'insectarium où naissent, chaque semaine, des milliers de moustiques et de tiques destinés à être sacrifiés sur l'autel de la science. La raquette électrique tue-mouche est toujours à portée de main pour châtier sommairement toute tentative d'évasion. « On se fait régulièrement piquer », reconnaît notre guide, Fadila Amraoui, chercheuse de l'unité sur les insectes vecteurs de l'arbovirus de l'Institut Pasteur. Les chercheurs ne risquent pas cependant d'être contaminés puisque les insectes ne sont infectés par les virus étudiés qu'une fois sortis de l'insectarium et acheminés dans le laboratoire P3 de l'institut, d'où ils ne sortiront pas vivants.
Deux salles, deux ambiances, trois espèces
Les moustiques sont répartis dans deux salles, chacune adossée à un espace de manipulation fermé par une porte blindée. À votre droite, les Aedes aegypti et les Culex pipiens (moustique commun que l'on retrouve jusque dans le métro parisien), à votre gauche, les Aedes albopictus. À l’œil nu, les deux espèces d'Aedes sont faciles à différencier : l'albopictus présente une ligne médiane au niveau de son scutum quand l'aegypti arbore deux splendides lignes incurvées.
Au cours de leurs premières heures de vies, les larves barbotent, nourries par des croquettes pour chat, de la nourriture pour poisson ou de la levure de bière selon l'humeur du chef. La larve devient nymphe, arrête de se nourrir et est récupérée dans des pots en plastiques en attendant leur métamorphose en moustiques adultes nourris de bâtonnets de sucre.
Régulièrement, du papier buvard imbibé d'eau est installé dans la cage. Les femelles Aedes pondent sur ce support qui est ensuite séché puis réhydraté dans des bassines d'eau où les larves vont éclore. Cette méthode simule le cycle naturel de la reproduction des moustiques qui pondent le long des plantes d'eau. « On peut accélérer le cycle en mettant les œufs dans un système sous pression, pour une éclosion en une demi-heure au lieu de deux jours », explique Fadila Amraoui. Le Culex pipiens suit un schéma différent : il faut les gorger de sang pour provoquer la ponte 3 ou 4 jours plus tard. D'infortunés rongeurs servent de repas à chaque fois que les chercheurs souhaitent provoquer un heureux événement.
Nous avons les moyens de vous faire baver
Au moment de les envoyer se faire contaminer au laboratoire P3 de l'Institut Pasteur, les moustiques sont aspirés dans une boîte d'infection puis triés dans une chambre climatisée. Seules les femelles sont sélectionnées pour leur capacité à piquer les mammifères et à transmettre des pathogènes. Ces boîtes disposent d'une extrémité où une pochette de globules rouges de lapin et de virus est plaquée, recouverte d'un dispositif chauffant pour exciter les insectes. Les moustiques sont de plus incités à piquer l'appétissante membrane par un cocktail de phagostimulants.
Pour leur faire avouer s'ils sont ou non des vecteurs compétents, les moustiques subissent une véritable séance de torture. Les pattes et les ailes sont arrachées afin de les faire saliver en raison du stress. Leur trompe est insérée dans un cône rempli de 5 ml de sérum de veau où ils salivent à leur aise.
Plus le virus est rapidement retrouvé dans la salive, plus le moustique est un bon vecteur. Les têtes et les corps des Aedes sont également broyés et analysés. Pour atteindre la salive, les arbovirus doivent en effet passer deux obstacles : la barrière abdominale, et celle entre la circulation et les glandes salivaires. Ces expériences ont récemment permis aux chercheurs de Pasteur de découvrir que le virus Zika met 14 jours à atteindre la salive de femelle Aedes albopictus, et 9 jours chez les femelles Aedes aegypti. Un délai très long comparé aux 3 jours mis par le chikungunya.
Les nouveaux défis
Les chercheurs tentent de répondre à des questions très diverses : quels sont les risques de ré-émergence de la fièvre jaune en Amérique du Sud ? Pourquoi elle n'apparaît pas en Asie du Sud Est où les conditions sont pourtant réunies ? Les anophèles s'adaptent-ils à la sécheresse ?
Un nouveau programme de recherche concerne des moustiques génétiquement modifiés pour résister aux virus qui pourraient à l'avenir, être relâchés dans la nature pour entrer en compétition avec les moustiques naturels. Pour l'heure il faut savoir si ces moustiques ont un impact sur l'environnement, leurs prédateurs naturels ou les humains qu'ils piquent. Ce nouvel axe de recherche implique de nouveaux aménagements dans l'insectarium qui sera bientôt d'un flux laminaire d'air froid pour « assommer » les moustiques qui tenteraient de s'échapper.
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