Pour la première fois, l'ANSES, l'agence Santé publique France et l'ANSM ont fourni des données agrégées sur l'évolution de l'antibiorésistance en France. Cet état des lieux devrait permettre de guider la manière dont les propositions du rapport Carlet doivent être transformées en actes opérationnels.
Le bilan est contrasté. Entre 2005 et 2013, certaines résistances ont marqué le pas. C'est le cas de la résistance des pneumocoques à la pénicilline (passée de 41 à 23 %) et aux macrolides (passé de 39 au 22 %) et de celle du Staphylococcus aureus à la méticilline (SARM, passé de 27 à 16 %). Dans le même temps, le taux de résistance des Escherichia coli aux céphalosporines de 3e génération a explosé, passant de 1,4 % en 2005 à 11,9 % en 2015.
La consommation d'antibiotiques dans la ligne de mire
Les auteurs s'étendent plus largement sur le cas des Escherichia coli dont les taux de résistance varient d'un facteur 1 à 6 d'une région à l'autre. Ils tirent aussi la sonnette d'alarme sur les entérobactéries : 2 385 épisodes d'infections par des entérobactéries productrices de carbapénèmases ont été recensés par l'InVS au 31 décembre 2015, un chiffre en nette augmentation depuis 2011. Ils craignent aussi la diffusion des plasmides bactériens contenant des gènes de résistance à la colistine.
L'augmentation de l'antibiorésistance est principalement due à l'augmentation de la consommation d'antibiotiques. Actuellement, 93 % des antibiotiques sont prescrits en ville, avec des taux de consommation qui sont passés de 28,9 doses/1 000 habitants/jour à 29,9 doses/1 000 habitants/jour entre 2005 et 2015. Cette consommation n'est pas uniforme sur le territoire métropolitain, puisque l'on note des taux moyens inférieurs à 24 doses/1 000 habitants/jour dans les Pays de la Loire et de plus de 32 doses dans les Haut-de-France. Les DOM-TOM présentent, quant à eux, les taux le plus bas de France : moins de 20 doses/1 000 habitants/jour.
En milieu hospitalier (les 7 % de prescriptions restantes), les comportements semblent plus vertueux, puisque la consommation d'antibiotiques est passée de 2,4 doses/1 000 habitants/jour à 2,2 doses/1 000 habitants/jour.
En santé animale, ou 96 % des antibiotiques concernent les animaux destinés à la consommation humaine, les consommations ont globalement baissé en 10 ans. Le nombre de traitements par animal (calculé en divisant le poids vif traité par la masse animale totale pour une espèce donnée) est passé de plus 1,4 à 0,66 chez le porc, de 1 à 0,5 chez les volailles, de près de 0,7 à 0,59 chez les animaux de compagnies et de 0,4 à 0,24 chez les bovins.
700 000 décès en Europe chaque année
Ces données françaises sont complétées par celles du Centre européen pour le contrôle des maladies (ECDC), selon lesquelles 700 000 décès sont attribuables chaque année en Europe à des infections résistantes.
Le réseau de surveillance des résistances aux antimicrobiens (EARS-Net) note de grandes différences dans les pourcentages de résistances d'un pays à l'autre. De plus en plus de Klebsiella pneumoniae et d’Escherichia coli résistants au fluoroquinolone et aux céphalosporines de 3e génération et aux aminoglycosides. Dans les pays à haut niveau de bactéries multirésistantes, y compris aux carbapénèmes, « seules quelques options thérapeutiques restent disponibles, notent les auteurs, dont la colistine ». Fait notable : des cas de résistance à la colistine ont tendance à apparaître dans ces mêmes pays.
Dans le même temps, les SARM ont significativement diminué entre 2012 et 2015, bien que leurs taux restent supérieurs à 25 % dans huit pays européens : la Grèce, la Slovaquie, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, Malte, Chypre et la Roumanie où le taux est supérieur à 50 %.
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