La prévalence du portage d’entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre élargi (EBLSE), c’est-à-dire de bactéries résistantes à plusieurs antibiotiques telles que la céphalosporine ou les pénicillines, est forte parmi les réfugiés et demandeurs d’asile arrivant en Europe. Mais sont-ils déjà porteurs de ces bactéries quand ils arrivent sur le territoire national ? La réponse semble être non, selon une étude réalisée par les médecins du CHU d'Angers auprès de mineurs isolés et publiée dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » de Santé publique France.
Différentes études ont montré que la prévalence de la colonisation par des EBLSE était élevée parmi les réfugiés en Europe (en Allemagne et au Pays-Bas notamment), alors que la prévalence du portage de bactéries hautement résistantes aux antibiotiques et émergentes (BHRe) restait souvent très faible. La France, pour sa part, n'avait produit que peu de données sur ce phénomène, alors même que les résultats obtenus dans d'autres pays n'y sont pas toujours extrapolables.
Un quart de porteurs d'EBLSE
Les chercheurs angevins ont comblé ce manque, en procédant à une étude observationnelle longue de 18 mois, au cours de laquelle ils ont cultivé des échantillons de selles, puis ont testé leur résistance à divers antibiotiques. Un total de 139 mineurs non accompagnés a été inclus dans l’étude et prélevé lors de leur première visite au CHU d'Angers, 74,1 % d'entre eux étaient originaires d’Afrique et 25,1 % d'Asie du Sud. Les auteurs se sont concentrés sur les mineurs non accompagnés, car ils doivent normalement tous bénéficier d'une visite médicale dans les deux à quatre semaines qui suivent leur entrée sur le territoire.
Plus d'un quart d'entre eux (25,7 %) étaient porteurs d'une EBLSE. Aucune BHRe n’a toutefois été isolée. Les espèces bactériennes productrices de bêtalactamases à spectre élargi étaient en grande majorité des Escherichia coli. Les auteurs ont également trouvé quelques Klebsiella pneumoniae. Tous ces isolats étaient sensibles aux carbapénèmes, au cotrimoxazole et à l’amikacine. En revanche, 52,8 % des isolats étaient résistants à la ciprofloxacine et 16,7 % étaient résistants à la gentamicine.
Les conditions d'hébergements en question
Les auteurs ont identifié quatre clusters, à l'intérieur desquels les pourcentages de similitude entre les isolats dépassaient 90 %. Cette forte similitude est un indice en faveur de l'hypothèse de transmissions récentes, et ce d'autant plus que les membres d'un même cluster provenaient de pays différents, avec souvent des routes de migrations distinctes, mais avaient partagé les mêmes lieux d'hébergement depuis leur arrivée à Angers.
Les auteurs rappellent en effet que les autorités départementales favorisent l'hébergement des migrants mineurs non accompagnés dans des chambres d'hôtel qu'ils partagent à deux ou trois. « Ainsi, il semble raisonnable de soutenir l’hypothèse d’une transmission des EBLSE pendant leur séjour dans cet hôtel », concluent les infectiologues, qui rappellent néanmoins que « vivre en communauté dans un hôtel décent en chambre double ou triple présente probablement l’intérêt de rompre l’isolement des mineurs non accompagnés ».
Ils considèrent que des investigations complémentaires portant sur les conditions de logement sont nécessaires « pour trouver le juste équilibre entre la maîtrise de problèmes sanitaires, comme la transmission des bactéries multirésistantes et de certaines maladies infectieuses, et l’importance de ne pas dégrader le bien-être des migrants ».
Les résultats de cette étude font écho à ceux de l'étude ANRS Parcours, dont les auteurs avaient démontré que la majorité des migrants infectés par le VIH ont été contaminés après leur arrivée en France. Ils fournissent davantage d'arguments contre la stigmatisation des migrants mineurs non accompagnés. Aucun d'entre eux n'était porteur de BHRe dans l'étude, et ces derniers ne présentaient pas de risque d'être porteurs d'EBLSE supérieur à celui des voyageurs occidentaux au retour de pays à forte endémicité.
« La colonisation par des bactéries multirésistantes n’est probablement pas le principal problème des réfugiés ou des demandeurs d’asile en général », reconnaissent les auteurs. Cependant, elle « doit être prise en considération, car elle peut être la source de transmission en milieu hospitalier ou dans la communauté ».
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