LA MANIFESTATION de la vérité est le plus souvent un accouchement douloureux. La famille du malheureux Ilan n’a que des coups à prendre dans une affaire où la seule reconstitution des faits la fera de nouveau plonger dans l’abîme de la douleur qu’elle a ressentie en 2006 ; où elle entendra à plusieurs reprises qu’Ilan n’est pas mort parce qu’il était juif mais par un simple concours de circonstances ; que Fofana n’avait nullement l’intention de tuer Ilan, mais seulement d’obtenir de l’argent. En plus, la défense aura tôt fait de transformer l’accusé en victime puisqu’elle a déjà déclaré que Fofana avait fait l’objet d’une campagne médiatique menée par la communauté juive de France. Au moins une avocate de la défense n’a pas eu honte de dire, dès mercredi matin, que Fofana « n’est pas un monstre ». Ce qui n’a pas empêché le principal accusé de se livrer à des provocations dès la première séance.
Trois semaines de tortures.
Avant même d’établir que le crime était ou non antisémite, il nous semble utile de rappeler qu’il a été particulièrement cruel, qu’Ilan a subi un enfer interminable, qu’il a été torturé tous les jours, humilié, et poignardé à mort par Fofana avant d’être jeté sur le bas-coté d’une route. À aucun moment, les auteurs du rapt n’ont pensé qu’ils devaient mettre un terme à une opération qui tournait très mal. Cette sorte de meurtre lent, qui, jour après jour, a transformé un beau garçon plein de vie en loque humaine, suffit à témoigner de la haine de Fofana pour sa victime. S’il ne voulait que de l’argent, il n’avait aucun besoin de torturer le jeune homme. Il a agi avec un sadisme insensé, en obtenant de surcroît le consensus de tous ceux qui, de près ou de loin, ont participé à cette effroyable curée, sans jamais ressentir assez de culpabilité pour modifier le cours fatal des choses, sans jamais craindre la sanction qu’ils encouraient, sans jamais se dresser contre le monstre qui les commandait, ni tenter, fût-ce de manière anonyme, de faire parvenir quelque renseignement à la police. À dénombrer ces 26 complices ou observateurs, on hume l’odeur exécrable d’une autre époque, lorsqu’il n’y avait personne (ou presque) pour se dresser contre la barbarie nazie, lorsque n’existait que l’ordre, la loi et le droit criminels, lorsqu’on ne s’élevait guère contre les règles scélérates établies par le vainqueur hitlérien.
Ilan Halimi est mort aussi de n’avoir pas trouvé, dans ce ramassis de dangereux imbéciles, un soupçon de compassion, un être doué de sensibilité, un homme ou une femme qui eussent moins peur de Fofana et plus peur de se conduire d’une manière définitivement indigne. Il ne faut pas que la justice, qui condamnera nécessairement Fofana, se montre plus clémente envers ceux qui ont laissé mourir Ilan Halimi. Il est indispensable de rappeler à toute la société que l’on a toujours le choix et que l’on n’est jamais obligé de commettre un crime. Il ne faut plus qu’une atrocité de ce genre se produise de nouveau..
À la cruauté de Fofana s’est ajoutée une insondable bêtise. Sa stupide motivation (« les Juifs ont de l’argent et ils sont solidaires, donc ils paieront ») a été démentie dès qu’il a été confronté à la victime, employé modeste qui gagnait peu et qu’il a compris que la famille ne disposait d’aucun moyen particulier. S’il a été assez ingénieux pour ne pas se faire prendre plus tôt, il a été assez bête pour ne pas comprendre au bout de quelques jours qu’il descendait aux enfers ; et ses complices, qui n’ont pas vu où leur folle aventure le conduisait, ont été assez idiots -et scandaleusement icruels- pour torturer Ilan Halimi alors que tout le monde savait déjà que la rançon ne serait pas versée et que l’affaire prenait une gravité exceptionnelle.
Une faute de la police.
La police a été au-dessous de tout. De toute évidence, elle a cru que Ilan Halimi n’était pas en danger, elle ne s’est pas alarmée de la durée anormale de l’affaire, elle a pensé, après avoir tenu compte des exigences à la fois contradictoires et incohérentes des ravisseurs, qu’elle s’adressait à des amateurs. Elle avait raison ; mais l’amateurisme n’est pas synonyme de mansuétude. Il peut conduire et il a conduit en l’occurrence à une issue fatale. Il nous semble inconcevable que, en 24 jours, les enquêteurs n’aient décelé aucune piste ; il nous semble inconcevable qu’on puisse détenir une personne dans une cave de banlieue, sans que les voisins, les passants, le gardien, les patrouilles de police ne voient ni n’entendent rien. Si Ilan Halimi est mort d’être juif, il est mort aussi de l’ impéritie de la police. Laquelle a en outre subjugué la famille en la contraignant à garder le silence, à répondre inutilement à chacun des innombrables appels téléphoniques des ravisseurs (jamais tracés par nos formidables policiers scientifiques), à faire durer l’affaire alors que la durée devenait mortelle. Non, on ne peut pas dire que le préfet ou le ministre de l’Intérieur de l’époque (Nicolas Sarkozy lui-même) aient reconnu la gravité du rapt et engagé les moyens qui auraient sauvé Ilan. Malchance : le jeune homme était « riche » aux yeux de Fofana, mais peut-être trop modeste pour déclencher un plan national de recherche.
UN ASSASSINAT D’UNE INHUMAINE CRUAUTÉ
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