La contestation tarifaire fait recette : environ 140 généralistes (et une bonne quinzaine de spécialistes) ont participé à une soirée débat à Romillé, près de Rennes, mercredi 16 novembre, accompagnés de responsables de syndicats nationaux et de quelques patients…
Tous (ou presque) étaient venus apporter leur soutien aux cinq généralistes de Romillé qui se disent « harcelés » par la directrice de la caisse primaire depuis qu'ils ont décidé, en février 2015, de facturer 25 euros leur consultation. La réunion, qui s'est prolongée jusqu'à minuit, s'est déroulée en l'absence de tout protocole ni programme préétabli, et a servi de défouloir à des praticiens sous pression.
Attitude inqualifiable
La maire de Romillé, Marie-Hélène Daucé, a expliqué d'emblée à la salle que la directrice de caisse était venue la voir pour lui rappeler qu'elle était le premier magistrat de la ville, et qu'à ce titre, elle devait faire respecter la loi dans sa commune ! L'édile, qui se dit « très surprise par cette attitude », soutient fermement les généralistes de sa ville.
Le Dr Victor Lecué, l'un des cinq généralistes de Romillé, dénonce « l'attitude inqualifiable » de cette directrice de CPAM qui menace praticiens et élus locaux de représailles. « Ce C à 25 euros, continue-t-il, est un palier vers une plus juste rémunération. Ce modeste complément de deux euros nous permet de mieux recevoir nos patients. » Son intervention est saluée par une salve d'applaudissements.
Ne pas avoir de secrétariat, le vrai scandale
Quelques « ténors » parisiens sont de la partie. Le Dr Jean-Haul Hamon, patron de la FMF, juge que « le vrai scandale n'est pas de coter deux euros supplémentaires, mais de ne même pas avoir les moyens de se payer un secrétariat ». Pas en reste, le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes CSMF, invite tous les médecins à faire comme ceux de Romillé : « si 100 médecins du département passent à 25 euros, la caisse va vite se calmer », pronostique-t-il.
Le Dr Bruno Deloffre (pour MG France) aborde la question des sanctions encourues par les récalcitrants si la caisse les convoque devant la commission paritaire locale (CPL). « Il faut gagner du temps, conseille-t-il, utiliser à fond les délais légaux et faire traîner les procédures, pour que cette CPL ne puisse pas se réunir avant la date du passage du C à 25 euros » (1er mai 2017). L'idée étant que la commission y regardera à deux fois avant de sanctionner les médecins si, à cette date, le C est officiellement à 25 euros.
Dans la salle, un homme demande la parole. « Je suis le président de l'assurance-maladie d'Ille-et-Vilaine », déclare-t-il à l'assistance interloquée. Didier Gilbert tresse quelques lauriers aux praticiens : « Dans ce département, il y a beaucoup de médecins vertueux et peu de dépassements. » Le silence traduit l'étonnement des participants. « Vous avez beaucoup tapé sur la directrice de la caisse, continue-t-il calmement, mais d'après ce qu'elle m'a dit, son attitude a été plus nuancée que ce qu'on rapporte ici. » La salle bruisse de murmures.
La vraie valeur de l'acte
« Je ne suis pas d'accord avec cette affaire de C à 25 euros, reprend-il, car ce sont les usagers qui les paient. » Cette fois, le ton monte dans la salle, mais l'homme ne s'en laisse pas compter, soulignant qu'en intégrant tous les forfaits, aides et primes « un généraliste gagne en moyenne 31 euros par acte ». La salle réagit bruyamment. Le Dr Hamon lui coupe la parole. « Epargnez-nous ce discours que Marisol Touraine nous sert depuis quatre ans. » La salle s'agite de plus en plus et Didier Gilbert perd son micro…
Le Dr Duquesnel (Généralistes CSMF) s'exprime à son tour. « Cette dame est la seule directrice de caisse à oser se comporter comme ça avec des médecins. » Quitte à être hors sujet, le Dr Hamon (FMF) enchérit. « Lors des législatives, il faudra faire barrage aux abrutis qui se permettent de légiférer contre la liberté d'installation. » Dans la salle, la tension devient palpable. Les deux syndicalistes, soucieux de calmer le jeu, soulignent que le président local d'assurance-maladie a été « bien courageux » de descendre dans la fosse aux lions.
« Merci Marisol »
La parole est aux patients. « À cause de votre action, lance l'un d'eux aux praticiens en guérilla tarifaire, je paie deux euros de plus à chaque consultation, et ils ne me sont pas remboursés. Vous dites que 92 % des mutuelles prennent en charge ces dépassements, mais c'est faux ! Autour de moi, personne n'a une mutuelle qui rembourse ça. »
Le ton monte et plusieurs intervenants prennent la parole dans un joyeux désordre. Ils dénoncent avec des noms d'oiseaux les mutuelles qui ne tiennent pas les promesses de leurs contrats, et certains rappellent qu'elles sont dispensées de publier leurs frais de gestion. « Merci Marisol », entonne la salle. Le Dr Nikan Mohtadi, président (FMF) de l'URPS de Bretagne, et inventeur des collectifs organisation défense territoire santé (CODTS), recentre les débats. « On ne peut pas laisser se défendre seuls ceux qui cotent à 25 euros, lance-t-il. Chaque CODTS est indépendant mais il faut soutenir ces praticiens. »
Dans la salle, les médecins se lâchent. Plusieurs d'entre eux invitent leurs confrères à passer immédiatement au C à 25 euros. « C'est une façon de défendre ceux de Romillé », insistent-ils. Un généraliste assure que 25 euros restent très insuffisants : « Il y a 20 ans, calcule-t-il, mon niveau de vie était deux fois plus élevé. » La salle approuve sans réserve. Une jeune généraliste théorise sa position : « Je ne me bats pas pour avoir plus d'argent pour moi, assure-t-elle, mais pour assurer une meilleure qualité des soins. » Un autre fait ses comptes. « En 97, se rappelle-t-il, il fallait 600 C par médecin pour payer les frais de fonctionnement annuel de notre cabinet de groupe. Aujourd'hui, il en faut 1 200. »
Rendez-vous à la CPL
À 23 heures passées, le débat s'achève… mais continue devant le buffet sommaire dressé par les médecins bretons. Le mot d'ordre est clair. Les praticiens de Romillé invitent leurs confrères bretons à entrer comme eux en désobéissance tarifaire. Mais si bon nombre des participants semblent d'accord sur le principe, aucun vote n'aura été organisé pour mesurer la tendance. Beaucoup se donnent « rendez-vous à la commission paritaire locale » pour soutenir leurs confrères si la caisse venait à les poursuivre.
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