L'activité de greffe a diminué de 25 % en 2020 par rapport à 2019, tous organes confondus, en raison de l'épidémie de Covid-19, a indiqué l'Agence de la biomédecine (ABM), ce 11 février, lors de la présentation de son bilan annuel. Ainsi, 4 417 greffes ont été réalisées, contre 5 901 en 2019.
Cette baisse de l'activité touche particulièrement les greffes de rein (-29 %) et de pancréas (-59 %), suspendues entre le 18 mars et le 11 mai. « L'absence alors des connaissances sur le SARS-CoV-2 et les incertitudes qui pesaient sur des patients nécessitant un traitement immunosuppresseur nous incitaient à la prudence, d'autant qu'il pouvait y avoir un traitement de suppléance », a justifié Emmanuelle Cortot-Boucher, directrice générale de l'ABM. Les recommandations ont d'ailleurs été revues en faveur de la continuité de ces actes lors de la seconde vague épidémique.
Les greffes ultra-urgentes, qui se sont poursuivies pendant le premier confinement, ont connu une baisse moins prononcée : de - 13 % pour le cœur, de - 17 % pour le foie, et de - 26 % pour le poumon.
Lien direct ou indirect avec le Covid-19
Cette situation, hétérogène selon les territoires, est aussi due à la diminution du nombre de donneurs en mort encéphalique recensés (de 3 471 en 2020 à 2 940 en 2019, soit -15 %) et prélevés (de 1 355 à 1 730, soit -21 %). Plusieurs explications à cela, directement ou indirectement liées au Covid-19, a expliqué le Pr François Kerbaul, directeur du prélèvement et de la greffe : moins de décès liés aux accidents de la route ou aux AVC à l'hôpital, confinement, ou encore infection des personnes au SARS-CoV-2 contre-indiquant alors le prélèvement et la greffe.
Les greffes d'organes à partir de donneurs vivants ont, elles, diminué de 24 % : 386 donneurs ont été prélevés en 2020, contre 509 en 2019. Quant aux prélèvements de tissus, la baisse a été profondément marquée, en particulier lors du premier confinement. En 2020, les greffes de cornées ont reculé de 37 % par rapport à 2019.
Cette tendance s'inscrit dans un contexte de diminution de l'activité chirurgicale, (- 20 % sur l'ensemble du territoire) et s'observe aussi dans les autres pays européens (-40 % de greffes rénales en Espagne), a mis en perspective Emmanuelle Cortot-Boucher. « Grâce à la mobilisation des professionnels, l'impact de l'épidémie a pu être limité », a-t-elle salué.
Fait rassurant : « la sécurité des greffes n’a jamais été abaissée », a-t-elle souligné. La fréquence des décès ou complications un mois après une greffe est stable entre 2020 et 2019.
Allongement des délais d'accès à la transplantation
En revanche, les délais d'accès à la transplantation se sont allongés, avec des taux d'accès à 6 mois passant de 26 % en 2018 à 20 % en 2020. Le nombre d'inscrits en demande active s'élève ainsi à 10 327, soit 370 personnes en plus en un an.
Et la mortalité sur la liste nationale d'attente (LNA) accuse une augmentation à la fin de l'année 2020 pour les patients en attente de greffe hépatique. L'analyse est encore en cours, mais plusieurs raisons peuvent être évoquées : décès liés au Covid et surtout à l'évolution de la maladie et retards à différentes étapes (consultation, inscription, transplantation).
La vaccination de ces personnes à risque est capitale, ont rappelé les responsables de l'ABM. Au 8 février 2021, 3 808 infections au SARS-CoV-2 sont à déplorer chez des personnes en attente de greffe ou greffés ; parmi elles, 473 sont décédées.
Des leviers, de l'incertitude
L'ABM ne se prononce pas sur des objectifs chiffrés pour 2021, eu égard à l'incertitude de la situation épidémique, complexifiée par l'arrivée des variants. Néanmoins, le cap est de soutenir l'activité tout en garantissant la sécurité des patients. Janvier accuse déjà une baisse d'activité, par rapport à 2020, mais qui reste contenue (-11 % ; 452 greffes, contre 507).
L'ABM entend continuer la promotion des prélèvements sur personnes décédées après arrêt cardiaque (protocole Maastricht 3), « source la plus dynamique de greffons », selon la directrice de l'ABM. Quelque 424 patients ont été prélevés ainsi en 2020, contre 393 en 2019 (+ 7,8 %). Les greffes à partir de donneurs vivants devraient aussi être encouragées, à travers de nouvelles campagnes d'information.
L'ABM espère aussi augmenter le nombre d'établissements autorisés à réaliser des prélèvements et des greffes (passer de 41 à 45). Mais aussi agir sur les taux d'opposition : après une légère inflexion, le taux de refus est remonté en 2020, à hauteur de 33 % contre 30,5 % en 2019. « Surtout dans les CHU médiatisés pendant la crise », observe le Pr Kerbaul.
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