Covid et équité d'accès aux soins : Merck signe le premier accord de licence pour son antiviral, une avancée mais des critiques

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Publié le 28/10/2021
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Crédit photo : PHANIE

Un accord de licence volontaire sur l’antiviral expérimental de Merck, le molnupiravir, a été conclu, ouvrant la voie à une diffusion large de génériques de ce qui pourrait être le premier traitement oral pour les patients non hospitalisés montrant des symptômes légers à modérés de Covid-19.

L’accord a été signé le 27 octobre entre le laboratoire Merck et le « Medicine Patent Pool » (MPP), créé par Unitaid. Cet organisme international hébergé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et soutenu par l'ONU est chargé de centraliser les achats de médicaments, négociés aux meilleurs prix possibles, à destination en particulier des pays à faible revenu.

Vers des « versions plus abordables du médicament » pour 105 pays

Dans un communiqué commun, l'OMS et Unitaid saluent une « étape positive » vers des « versions plus abordables du médicament » pour 105 pays à revenu faible ou intermédiaire.

L’accord prévoit l’octroi d’une licence par Merck au MPP qui pourra ensuite donner des sous-licences aux fabricants de médicaments génériques. Merck, ainsi que ses partenaires le laboratoire Ridgeback et l’université Emory, ne percevront aucune redevance pour les ventes de molnupiravir tant que le Covid-19 restera classé comme une urgence de santé publique de portée internationale par l'OMS.

Pour l’heure, le molnupiravir est « en cours d'évaluation » pour être éventuellement incorporé aux directives de l’OMS sur les traitements contre le Covid-19. L’organisation onusienne appelle d’ailleurs Merck à lui « fournir dès que possible les données des essais cliniques », pour qu'elle puisse « évaluer ce médicament afin de l'utiliser dans le monde entier ».

L’antiviral expérimental est également en cours d’examen par les autorités réglementaires américaines (FDA) et européenne (EMA). Selon les résultats des essais cliniques intermédiaires de phase 3, le molnupiravir réduirait de moitié le risque d'hospitalisation chez les patients atteints de Covid-19 léger à modéré.

« Si ces résultats venaient à être confirmés, il faudra probablement prescrire ce traitement à des patients à risque d'évolution vers une forme sévère, et dans les cinq jours suivant l'apparition des symptômes. Ce pourrait être le premier traitement anti-Covid accessible à la prescription de ville », expliquait le Pr Yazdan Yazdanpanah, membre du Conseil scientifique Covid-19, lors d’un live chat du «Quotidien».

Un accord limité territorialement

« Cet accord transparent et axé sur la santé publique est la première licence volontaire de MPP pour un traitement contre le Covid-19 », a réagi le directeur exécutif du MPP, Charles Gore, espérant que ce « sera un encouragement fort pour d’autres entreprises ».

Après les nombreux appels au partage mondial et équitable des outils de lutte contre le Covid-19, Médecins sans Frontières (MSF) voit dans cet accord « un pas en avant bienvenu », mais exprime sa « déception face aux limitations de cette licence » et dénonce « le "business as usual" de la pharma ».

« La licence exclut de son territoire les principaux pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure comme le Brésil et la Chine, où il existe une capacité solide et établie pour produire et distribuer des médicaments antiviraux », déplore Yuanqiong Hu, conseillère juridique et politique de la campagne d'accès aux médicaments de MSF, dans un communiqué.

L’OMS espère également que « l'entreprise élargisse l'accord à d'autres pays clés dans un avenir proche », alors que, rappelle MSF, « les pays à revenu intermédiaire exclus de la licence ont enregistré 30 millions d'infections au Covid-19 au premier semestre 2021, soit 50 % de toutes les infections dans les pays à revenu faible et intermédiaire ».

« Dans le cadre de la pandémie actuelle, la seule solution sérieusement envisageable est celle permettant un large partage de la technologie, sans restriction quant aux bénéficiaires et quant à la possibilité des parties prenantes de faire un usage des flexibilités des droits de propriété intellectuelle en fonction des besoins de santé publique », estime auprès du « Quotidien », Juliana Veras, coordinatrice du plaidoyer prix des médicaments et systèmes de santé pour Médecins du Monde, l'ONG plaidant depuis plus d'un an en faveur d'une levée temporaire des droits de propriété intellectuelle sur les outils de lutte contre la pandémie.


Source : lequotidiendumedecin.fr