L'épidémie de Covid-19 a eu des effets contrastés sur les conduites suicidaires selon le 5e rapport de l'Observatoire national du suicide (ONS) publié ce 6 septembre, quatre jours avant la journée internationale de prévention : l'ouvrage décrit une baisse immédiate des suicides lors des premiers confinements, suivi d'une hausse du risque suicidaire chez les jeunes, en particulier les jeunes femmes.
Des diminutions de 8 à 20 % de la mortalité par suicide pendant les confinements
Contrairement aux craintes suscitées par les coups d'arrêt à la vie normale imposés par les confinements de 2020, les décès par suicide semblent avoir diminué pendant ces épisodes, de 20 % par rapport à la courbe attendue lors du premier, et de 8 % pour le second, selon les estimations de l'ONS, notamment pour les hommes. Ce phénomène, observé aussi dans les autres pays à niveau de vie élevé, peut s'expliquer par un renforcement de l'attention aux personnes vulnérables, de la cohésion et de la solidarité citoyenne, ou encore par la réduction du stress de la vie quotidienne et un moindre accès aux moyens létaux.
Si les chiffres reviennent à des niveaux attendus après ces confinements, l'ensemble de la période du 1er janvier 2020 au 31 mars 2021 n'est pas marqué par une augmentation de la mortalité par suicide, et s'inscrit même dans la baisse tendancielle des conduites suicidaires observée depuis 1990, analysent les chercheurs tout en restant prudents face à un éventuel effet rebond ultérieur (a fortiori dans un contexte socio-économique difficile).
Autre signal optimiste : les taux d'hospitalisation en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (MCO) pour geste auto-infligé en 2020 sont inférieurs (-10 %) à ceux de la période 2017-2019, tout comme les admissions aux urgences pour geste suicidaire pendant les deux confinements.
Dégradation de la santé mentale des jeunes
Mais ces tendances globales, que les chercheurs invitent à prendre avec des pincettes, tant l'investigation de la suicidalité est délicate dans un contexte sans comparaison antérieure possible, sont loin de dépeindre une embellie générale.
La santé mentale de l'ensemble de la population s'est dégradée lors de la crise sanitaire, tandis que le risque suicidaire chez les adolescents et les jeunes femmes a augmenté, notamment à distance de l'épidémie. Ainsi, l’augmentation du nombre de passages aux urgences pour geste suicidaire, pour idée suicidaire ou pour trouble de l’humeur est nettement supérieure à la moyenne chez les collégiens et chez les lycéens dès la fin 2020 et en 2021. Ce qui est d'autant plus inquiétant que le secteur pédopsychiatrique est en grande difficulté pour prendre en charge ces jeunes, souligne l'ONS.
Leurs aînés sont aussi affectés : à partir du deuxième confinement, les taux d’hospitalisation pour tentative de suicide augmentent chez les jeunes femmes de 10 à 18 ans, et restent supérieurs à ceux de 2017-2019 ; une tendance aussi observée chez les jeunes adultes âgés de 20 à 24 ans.
Repenser les modalités de la prévention
Au regard de quatre recherches financées par l'ONS pour mieux comprendre le phénomène suicidaire chez les jeunes, le rapport appelle à créer des « chaînes de prévention » autour d'eux et à adopter une approche toujours plus systémique.
Les travaux des psychiatres et sociologues mettent en effet en évidence les liens qui peuvent être protecteurs (avec les professionnels, la famille, les amis, et même sur les réseaux sociaux et internet), tandis que les trajectoires suicidaires sont marquées par les négligences, abandons et abus dans l'enfance. Le geste suicidaire, lui, pourrait être précipité par une rupture sentimentale, un conflit interpersonnel ou une violence psychologique, après une période relativement stable, précédée par une augmentation progressive d'expériences d'adversité. Ces travaux nuancent par ailleurs l'idée commune selon laquelle tentative de suicide et suicide seraient des phénomènes radicalement différents.
« Ces quatre recherches esquissent le tableau d’une prévention réussie (...) : c’est dans une articulation cohérente des différentes interventions de soutien et de traitement que les différentes actions doivent être pensées », commente le sociologue Christian Baudelot, en soulignant combien sont nombreuses les personnes qui peuvent entourer un jeune. Et qui doivent être formées à jouer un rôle de sentinelle, dans la bienveillance et la confiance.
Le 10 septembre, le 31 14 donne un visage à la prévention du suicide
Pour marquer la Journée internationale de prévention du suicide, ce 10 septembre à 10 h 09, 10 artistes locaux dans 10 villes de France dévoileront sur un mur dédié, le portrait d'un ou plusieurs professionnel(s) qui répond(ent) au 31 14.
Plus de 130 000 appels ont été reçus depuis l'ouverture du 31 14 le 1er octobre 2021. Confidentielle et gratuite, cette ligne offre écoute, évaluation, orientation et intervention aux personnes en souffrance. Elle s’adresse également aux professionnels.
La réponse est assurée 24 heures/24, 7 jours/7 par des professionnels hospitaliers (infimier·e·s, psychologues, sous la supervision d’un médecin spécialiste), dans 12 centres répartis en région. À terme, cinq centres supplémentaires seront opérationnels.
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