Il est onze heures ce mardi 12 octobre lorsque l’équipe médicale s’installe sous le pont de l’A1, à proximité du Stade de France. Reconnaissables à l’inscription « Medical team » dans leur dos, les cinq volontaires de l’ONG MARDi (aide médicale pour réfugiés et personnes déplacées) disposent au milieu du campement quatre sacs. À l’intérieur : des médicaments rangés en fonction des symptômes et le nécessaire pour réaliser des pansements.
Un premier homme s’approche puis un cercle se forme autour de Becky et Tamsin, infirmières londoniennes. « Rob, est-ce que tu peux t’occuper de la file ? », demande la cofondatrice de l’ONG, Harriet Crook, à un ancien bénévole de Sea Watch. Depuis 2017, la médecin urgentiste britannique est régulièrement venue apporter des soins aux exilés du nord-parisien. À force d’évacuations des campements ces dernières années, les migrants se sont vus repoussés en dehors de Paris. Ils sont un millier, majoritairement de jeunes hommes afghans, à s’être installés à deux pas de l’infrastructure sportive.
Dans la file d’attente, Bedri se plaint de maux de tête. Le Somalien de 24 ans arrivé il y a trois jours s’offusque des conditions sanitaires dans lesquelles il se retrouve, un an après avoir quitté son pays en guerre. « On n’est pas en bonne santé ici. On a besoin d’une vraie chambre, d’un endroit propre », déplore-t-il. Pas de toilettes à proximité, juste des robinets d’eau.
« On vit trop proches les uns des autres », renchérit Ezatullah, originaire du nord de l’Afghanistan. Les demandeurs d’asile partagent des tentes à deux, trois, voire plus. Alors, les maux de dos dont il souffre n’étonnent pas Becky, qui porte son stéthoscope autour du cou.
Un autre Afghan lui montre sa cheville, écorchée par des semaines de marche. Son compagnon de route raconte dans un anglais fluide : « On a marché pendant vingt jours entre la Bosnie et ici. En Slovénie, on marchait la nuit, sur des cailloux. Nos chaussures étaient mortes à la fin du voyage ». Becky applique de la pommade puis un pansement. En ce moment, « les blessures et les états grippaux sont fréquents », observe celle qui a appris la langue de ses patients lors d’une expérience bénévole près de Kaboul.
Plus flexible que les grandes ONG
Si elle est venue prêter main-forte une troisième fois en France, c’est qu’« il y a un manque. Médecins Sans Frontières est absente en ce moment et Médecins du Monde ne vient que deux fois par semaine », décrit-elle. L’organisation MARDi travaille conjointement mais différemment de ces deux mastodontes de l’aide humanitaire.
Émancipée des lourdeurs administratives, l’équipe resserrée — composée dans l’idéal d’« un physiothérapeute, d’un docteur, d’un infirmier et de deux bénévoles non médicaux », selon Harriet — est un atout. « Lorsqu’un camp est évacué, on peut se diriger vers un autre le jour même. On va vers les réfugiés plutôt qu’eux ne viennent à nous, ce qui nous rend plus flexible », explique-t-elle. MARDi envoie certaines personnes vers l'ONG Médecins du Monde, mieux équipée. « Nous, nous n’avons pas d’anti-infectieux », rapporte-t-elle, une nécessité face à la gale qui sévit.
Responsabilité partagée
Parmi les personnes infectées, une femme et son bébé. Installée au fond du camp, elle ouvre timidement la fermeture éclair de sa tente lorsque Harriet annonce sa présence. Son enfant passe la tête en souriant. « C’est pour vous, pas pour votre bébé », la prévient-elle en lui tendant une plaquette de médicaments et un papier en arabe à donner à Médecins du Monde le lendemain. Un trait dans la case « dermatologie » est ajouté par Alileau sur la feuille qui répertorie les symptômes. Cet acupuncteur rennais fait office de traducteur pour la journée.
L’ONG financée par des dons privés est en contact avec 600 soignants à travers l’Europe. « C’est un problème international. Au Royaume-Uni, si nous avons moins de réfugiés dans les rues, ce n’est pas parce que notre gouvernement est meilleur mais parce qu’on les "piège" en France, explique ainsi Harriet sa présence en France. Nous partageons la responsabilité de la situation car nous sommes autant à blâmer ». À la fin de la journée, 127 personnes ont reçu des soins. En six mois l’hiver dernier, les bénévoles de MARDi ont vu plus de 5 000 personnes, se félicite la cofondatrice.
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