Des incidents à Toulouse

Publié le 18/03/2013
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UN MATIN D’AOÛT dernier, le Dr Jean Thévenot gynécologue obstétricien, pensait démarrer une journée de garde comme une autre à la clinique Ambroise Paré de Toulouse. En réalité un accouchement a pris une tournure particulière, après qu’une patiente et son mari, de confession musulmane, refusent la prise en charge par un homme. « Il y a 25 ans, ce genre de questions ne se posait pas, aujourd’hui nous y sommes confrontés régulièrement. À la clinique, les patientes qui sont dans ce cas, sont suivies par mon associée femme mais nous leur expliquons en amont, qu’en cas d’absence de gynécologue femme le jour de l’accouchement, elles seront accouchées par un homme », explique Jean Thévenot. Ce jour-là pourtant le refus de soin est plus violent que d’habitude, l’accouchement se déroule dans les hurlements et les prières du mari, au sol. « L’équipe est restée parfaitement stoïque, et n’a pas eu le moindre mot, même si nous avons été choqués », rapporte aujourd’hui le médecin et président de l’ordre des médecins de Haute-Garonne. Il raconte, « j’ai partagé quelques jours après, cette expérience dans un mail envoyé à des confrères ».

Un simple clic, qui a déclenché en quelques semaines, une vague de réactions sur la toile. « Le mail a été largement diffusé à mon insu, modifié, tronqué etc. puis récupéré par des sites extrémistes, et s’est finalement retrouvé dans les pages courrier du Figaro sans même que j’aie été contacté par la rédaction ! »

Parmi les nombreuses réactions reçues par le médecin, quelques menaces, mais aussi des témoignages de soignants, médecins, infirmiers etc. se disant « régulièrement confrontés à la même situation sans oser l’exprimer. »

Partir de cas concrets.

Devant un tel constat, les médecins du département, ont lancé avec le soutien de l’Agence régionale de santé (ARS) et l’espace de réflexion éthique de Midi-Pyrénées un groupe de réflexion sur les questions de soins et de laïcité. « L’ARS s’est impliquée en dégageant une ligne budgétaire de 160 000 euros pour démarrer, mais les travaux se tiennent de façon tout à fait indépendante », précise Monique Cavalier la nouvelle directrice de l’ARS Midi-Pyrénées.

« Nous partons de cas concrets tels que le refus de soins, le jeûne, la circoncision, les attitudes à avoir face à une patiente quand on est un homme », décrit le Dr Thévenot qui anime les séances. Lors de la dernière réunion ce mois de février il a été décidé d’envoyer un mailing à tous les médecins du département pour avoir des recueils de terrain et y apporter des réponses concrètes. Autour de la table se réunissent donc soignants, représentants de l’Ordre, de l’ARS et des différents cultes. Ces réunions seront ensuite progressivement ouvertes à tous les soignants, tandis que de leur côté, les représentants religieux informeront les fidèles au sein des lieux de culte, des impératifs médicaux.

« L’objectif est d’expliquer d’une part les impératifs médicaux aux patients, mais aussi de respecter les convictions des uns ou des autres, sans nier les principes de laïcité. Il faut absolument éviter les blocages au quotidien », explique jean Thévenot.

Une démarche commune appliquée par les différents établissements de soins du département, devrait finalement voir le jour d’ici la fin de l’année.

 BÉATRICE GIRARD

Source : Le Quotidien du Médecin: 9227