« IL Y A EN FRANCE une méconnaissance de la maladie de Lyme. Les médecins n’écoutent plus les patients : si le test est négatif, ils estiment que vous ne souffrez pas de cette pathologie. » Judith Albertat, ancienne pilote de ligne affectée par la borréliose de Lyme, a fondé l’association Lyme sans frontières en mars dernier. Près de 10 000 personnes de tous horizons ont depuis signé la pétition. Sa principale revendication : que les autorités cessent de considérer la maladie de Lyme comme une pathologie rare. Selon ces « rebelles de Lyme », les dépistages et traitements doivent être revus, la chronicité éventuelle de la maladie, reconnue. « En Allemagne, on estime que 40 millions de personnes sont affectées, dont 1 million est soigné. En France, on considère que cette maladie ne touche que 5 % de la population ! », s’insurge Judith Albertat.
L’association a en ligne de mire les protocoles officiels définis lors de la 16e conférence de consensus de 2006 à partir des Guidelines de l’IDSA*, en particulier les recommandations concernant le dépistage. Si un test de première intention de type ELISA est négatif, il n’est pas doublé par un test Western blot, destiné à rechercher les anticorps. Selon la présidente de Lyme sans frontières, de nombreux faux négatifs passeraient ainsi à travers les mailles du filet et les personnes seraient redirigées de spécialistes en spécialistes à la recherche d’un mal difficilement identifiable.
Le cri des patients sera-t-il entendu par les médecins ? La ligne officielle incarnée en France par le centre national de référence des borrélioses à Paris reste fidèle aux recommandations de 2006. Certains spécialistes comme le Dr Pierre Kieffer, du CHU de Mulhouse dénonce une « dérive sectaire » : « Des gourous profitent de la crédulité de gens fragiles en entretenant leurs angoisses », avance-t-il. Si la naturopathe Judith Albertat rejette en bloc l’accusation, elle n’a jamais caché son soutien pour des personnalités décriées, comme Viviane Schaller, gérante d’un laboratoire d’analyse biologique fermé par l’agence régionale de santé en mai dernier ou Bernard Christophe, diplômé en pharmacie, inventeur du Tic-Tox, une préparation naturelle à base de sauge. « On a sanctionné Mme Schaller car elle a démontré qu’il existait une faille dans le protocole. Certains médecins qui n’empruntent pas les chemins balisés se retrouvent devant la police judiciaire : c’est du harcèlement », estime la présidente de Lyme sans frontière.
La parole aux scientifiques.
Le coup de gueule de l’association pourrait réveiller les dissensions, sinon interrogations, parmi les infectiologues. Le Pr Christian Perronne, chef du département de médecine aiguë à l’hôpital Raymond Poincaré de Garches (non-signataire de la pétition de Lyme sans frontières) a appelé dans « The Lancet infectious diseases » de mai 2012, à un débat scientifique afin de clarifier la question.
« La sensibilité des tests sérologiques recommandés pour la maladie de Lyme est très variable d’un test à l’autre », explique-t-il au « Quotidien ». Selon le Pr Perronne, en l’absence de standard de référence (car la culture n’est pas fiable en routine), les tests sont étalonnés sur 5 % d’une population saine et calculés arbitrairement. D’autre part, ils ont été élaborés en 1982 à partir de souches de Borrelia burgdoferi, alors que de nouvelles espèces de borrelies sont régulièrement découvertes.
Ces critiques ne sont pas méconnues : le Pr François Bricaire, chef du service Maladies infectieuses et tropicales de la Pitié-Salpétrière, reconnaît que « la fiabilité des sérologies est imparfaite » et qu’avec les tests officiels « on puisse passer à côté » de maladies de Lyme, « plus fréquentes qu’on ne le pense ». Lui-même, concède au « Quotidien », « faire très volontiers des Western Blot pour apporter davantage de précision au patient ». Il ne nie pas non plus qu’en phase II ou III, la maladie puisse se développer sous forme chronique. « Mais toute sérologie doit être compatible avec une clinique très précise : C’est trop facile de diagnostiquer une maladie de Lyme devant des troubles neurologiques complexes », alerte-t-il, tout en se disant favorable à la réouverture d’une conférence de consensus sur la base d’arguments scientifiques.
L’association Lyme sans frontière espère porter, elle, le débat sur la place publique, en demandant rapidement une audience auprès de Marisol Touraine, ministre en charge de la Santé.
*The infectious diseases society of America
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie