LE QUOTIDIEN : Vous venez d’être réélu à la tête de MG France. Quel est votre état d’esprit alors que la loi de santé devrait être votée définitivement le 17 décembre avec la réforme du tiers payant généralisé ?
DR CLAUDE LEICHER : Lors de l’assemblée générale de MG France, nous avons longuement parlé de la loi de santé, du conflit médical qui a marqué 2015, et de la décision du Parlement de voter malgré tout l’obligation du tiers payant généralisé en l’état. Je le dis clairement : aujourd’hui, il est matériellement impossible d’appliquer cette réforme en France, c’est infaisable ! La réalité, c’est que les complémentaires sont incapables de s’entendre avec le régime obligatoire pour nous proposer un système de tiers payant qui simplifierait vraiment la vie des professionnels. Il est probable que le tiers payant généralisé obligatoire ne sera pas mis en œuvre puisque, précisément, l’engagement de François Hollande en faveur d’un système simple et garanti pour les médecins ne pourra pas être atteint, faute de moyens. Nous expliquerons à la population que cet échec n’est pas de la responsabilité des médecins.
Pourquoi postulez-vous que les garanties promises par Marisol Touraine (simplicité, délais rapides de paiement, flux unique) ne seront pas au rendez-vous ?
D’abord, quoi qu’on nous promette, il faudra vérifier préalablement les droits, pointer les écritures multiples et rechercher les impayés. Or, les généralistes n’ont pas le temps disponible pour assumer ces tâches. Mais surtout, après avoir travaillé pendant deux ans sur ce dossier, nous avons des raisons de craindre toute la procédure technique… Les complémentaires santé, qui tiennent à protéger leur marché, ne veulent pas d’un flux unique de remboursement mais exigent un système de double flux, ingérable pour nous. Aucun autre pays n’a la complexité du système français d’assurance-maladie avec plus de 600 complémentaires. Pas question d’importer dans les cabinets médicaux toute la complexité du système français.
Du coup, vous proposez plutôt de supprimer le ticket modérateur pour renforcer l’accès aux soins…
Absolument. Puisque le tiers payant généralisé est impossible à mettre en œuvre dans les conditions actuelles, je propose d’examiner la suppression du ticket modérateur pour les consultations et les soins courants. Une seule facture, un seul flux, un seul remboursement, avec au passage une économie de 6 milliards d’euros de frais de gestion. Soit le régime obligatoire prend en charge à 100 %, soit la caisse primaire sert aussi de régime complémentaire, comme dans le régime local d’Alsace-Moselle.
MG France a lancé il y a plusieurs mois un mouvement de contestation tarifaire autour du C à 25 euros. Quel bilan tirez-vous de cette guérilla ?
Cela fera exactement cinq ans, le 6 janvier, que le C est bloqué ! Nous avons lancé et assumé ce combat pour l’équité tarifaire, je cote personnellement à 25 euros depuis mars… Comme d’habitude, et surtout dans ce contexte de crise économique, les généralistes – plusieurs centaines – se sont lancés progressivement. Les caisses ont commencé à réagir avec des lettres d’avertissement puis des injonctions à changer. Maintenant, de deux choses l’une : soit on laisse tomber, soit on amplifie les choses.
Précisément, vous organisez aujourd’hui une conférence commune avec d’autres syndicats (UNOF, FMF). Allez-vous lancer un mot d’ordre tarifaire unitaire pour début 2016 ?
Il est évident que, à partir du 6 janvier 2016, cinquième anniversaire du blocage officiel de la consultation, les syndicats qui ne diront rien sur la problématique centrale de la valeur des tarifs opposables participeront à cette opération d’abandon du secteur I, menée par le gouvernement. C’est pourquoi je le dis aux médecins généralistes : il faudra se bouger car 2016 s’annonce déjà comme la sixième année blanche de revalorisations, compte tenu des délais juridiques pour augmenter les honoraires. Cela n’est pas supportable.
Je souhaite dans ce contexte une unité syndicale d’action, qui ne soit pas dans la surenchère. La grande nouveauté de 2015, c’est que, malgré la campagne électorale aux URPS, nous avons été capables de faire des opérations communes. La situation de la médecine générale est suffisamment dramatique pour trouver des terrains d’entente.
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