LE QUOTIDIEN : Quel regard portez-vous sur la politique de Marisol Touraine ? La situation des centres de santé s'est-elle améliorée ?
Dr ÉRIC MAY : La ministre de la Santé ne sera pas présente à notre congrès mais je constate une vraie reconnaissance de nos structures sous son autorité. Les groupes de concertation avec la tutelle se sont normalisés et les sujets nous concernant sont traités avec sérieux.
La loi de santé nous donne également le droit de pratiquer des IVG instrumentales. Elle autorise les collectivités territoriales à devenir gestionnaires et crée les centres pluriprofessionnels et universitaires. Sur ce dernier point, nous espérons un décret ambitieux car nous voulons nous impliquer dans la création de projets pédagogiques – nous avons créé l'Institut de recherche Jean-François Rey à ce titre. Dans l'ensemble, le bilan est positif. Les centres de santé se portent mieux qu'il y a cinq ans.
Les centres ne sont donc pas en mal d'attractivité, comme les hôpitaux…
Nous bénéficions au contraire d'un mouvement de redécouverte, notamment grâce aux maires. Ils voient qu'en choisissant un centre plutôt qu'une maison libérale, la structure survivra à l'éventuel départ des médecins généralistes. Ces derniers ont les mêmes revenus que les libéraux, les droits sociaux en plus ! On ne peut pas faire plus attractif ! On manque certes de spécialistes mais comme partout.
Depuis 2011, la Fédération nationale (FNCS, gestionnaires) a porté une centaine de projets et l'USMCS une quinzaine, à la Roche-sur-Yon (Vendée), à Fresnay-sur-Sarthe (Sarthe), à Port-la-Nouvelle (Aude)…. Les nouvelles structures sont à l'équilibre. À gauche comme à droite, les élus se passent le mot.
Malgré ce regain de vitalité, la majorité des agences régionales de santé (ARS) méconnaît voire freine toujours le développement des centres au profit des maisons de santé. Il reste un doute permanent sur les porteurs de projet, la solidité des financements et la pérennité de la structure.
Quels sont les effets du nouvel accord national signé en juillet 2015 avec l'assurance-maladie ?
C'est en partie grâce à cette négociation, débloquée à la demande de Marisol Touraine, que les centres vont mieux. Nous attendions cela depuis 12 ans ! L'accord généralise le contenu du règlement arbitral faisant suite à l'expérimentation des nouveaux modes de rémunération (forfaits ENMR). Un gros centre avec 4 000 patients peut espérer jusqu'à 50 000 euros par an. Pour l'instant, nous avons reçu des avances. On pourra établir un vrai bilan fin 2017. En dehors de la rémunération, cet accord a un avantage formidable : il écrit noir sur blanc la nécessité du travail en équipe. Du coup, tous les centres se sont mis aux réunions de concertation !
L'accord national transpose aussi aux centres de santé les mesures tarifaires (forfait ALD, personnes âgées, etc.) négociées ces dernières années par les libéraux. Franchement, ce n'est que justice . Nous aussi, nous allons consulter pour 25 euros ! L'application aux centres de la nouvelle rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) est en revanche toujours à l'étude.
Les centres souffrent-ils toujours du coût de la gestion du tiers payant ?
Ce sont surtout les gros établissements pluridisciplinaires qui sont en difficulté. L'an dernier, nous avons proposé de devenir "bêtatesteurs" de la solution technique pour la généralisation du tiers payant, que préparent l'assurance-maladie et les complémentaires santé. En vain. C'est l'un de nos regrets.
Les centres appliquent systématiquement la dispense d'avance de frais, c'est dire si on connaît notre affaire ! Entre le personnel et le système informatique qui sont consacrés à la gestion des rejets et des impayés – 5 à 10 % des actes –, le tiers payant génère une charge structurelle évaluée à trois euros par acte. Dans mon centre, à Malakoff (Hauts-de-Seine), la facture annuelle s'élève à 150 000 euros pour 70 000 passages, sur un chiffre d'affaires de quatre millions d'euros. Je ne crois guère au coup de pouce miracle dans le dernier budget de la Sécurité sociale.
Qu'espérez-vous pour l'avenir ?
Nous voulons que les ARS nous traitent à égalité avec les maisons de santé. Nous militons aussi pour la création d'un statut de praticien ambulatoire, calqué sur le modèle du praticien hospitalier, pour les médecins salariés des centres municipaux, qui sont aujourd'hui contractuels en CDD sur six ans. Cela permettrait de sécuriser leur carrière et de privilégier la mobilité entre centres.
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