LE QUOTIDIEN : Les médecins sont-ils aujourd'hui moins nombreux à fumer que la population générale ?
Dr JEAN PERRIOT : Ces dernières années ont été marquées par une diminution de la consommation de tabac dans la population générale (la prévalence globale du tabagisme quotidien est passée entre 2014 et 2020 de 28,5 % à 24 %). En revanche moins de 14 % des médecins généralistes fument quotidiennement alors qu’ils étaient encore 29 % à le faire en 2003. [1-2]
Le Quotidien : Observez-vous des réticences des médecins à adresser un fumeur à un confrère tabacologue ?
Les médecins sont quotidiennement confrontés aux ravages induits par le tabac dans leur patientèle, en termes de maladies cardio-vasculaires, cancers, insuffisances respiratoires, etc. Deux fumeurs sur trois qui poursuivent l’usage du tabac jusqu’à la fin de leurs vies décèdent d’une maladie due au tabagisme. Les nouveaux praticiens sont mieux formés aux bases de l’aide à l’arrêt du tabac au cours de leurs études et accompagnent assez souvent leur patient lors de leur tentative d’arrêt. L’HAS a élaboré en 2014, des recommandations de bonne pratique afin d’aider les praticiens à prendre en charge les patients fumeurs. Dans bien des cas, les médecins sont confrontés à des patients en difficultés, échecs ou rechutes lors de l’arrêt du tabac. Ces patients relèvent des consultations spécialisées de tabacologie dont le support et la localisation sont mal connus d’eux ; d'autant plus qu’il y a une réticence à adresser un patient vers elles. [3]
Qu’en est-il avec les médecins fumeurs ? Est-il plus difficile d’aider un confrère à arrêter de fumer qu’un patient lambda ?
Arrêter de fumer peut représenter une épreuve car le tabagisme, par la dépendance qu’il induit, est une maladie chronique souvent marquée de rechutes et dont l’issue est fatale deux fois sur trois. À ce titre, il n’y a pas de différence entre les fumeurs qu’ils soient médecins ou non. Le tabagisme induit une forte dépendance à la nicotine et un « craving » (nécessité impérieuse de satisfaire sans délai le désir de fumer) qui persiste longtemps après l’arrêt. Le médecin fumeur a parfaitement conscience des risques qu’il court et connaît doublement les difficultés, au travers de l’expérience de ses patients et des siennes ; de plus, il a parfois l’impression que fumer le rend inapte à la fonction de conseil et d’aide à l’arrêt du tabac chez ses patients fumeurs. Les stratégies d’aide à l’arrêt et l’accompagnement du sevrage sont les mêmes pour lui que pour les autres fumeurs (association de médicaments d’aide à l’arrêt du tabac et soutien relevant des thérapies cognitivo-comportementales, prises en charge des troubles associés). [4]
Les médecins ont souvent tenté l’arrêt avec une auto-médication ?
Ce n’est pas le propre des médecins fumeurs c’est le cas de « toutes les personnes addicts ». C’est à Jules Renard que l’on doit la formule « arrêter de fumer : facile, j’y suis arrivé plus de mille fois ». Passé la phase de déni ou de constat inquiet de sa dépendance, le médecin fumeur tente souvent d’arrêter de fumer « par la force de sa volonté », puis par l’utilisation plus ou moins appropriée des différents médicaments d’aide à l’arrêt du tabac marquées par des phases plus ou moins longues d’abstinence. Enfin, confronté à ses échecs, il demande une aide auprès d’un tabacologue, cette demande peut survenir dans le contexte d’une catastrophe pathologique due à l’usage du tabac. [5]
Qu’en est-il de l’usage de l’e-cigarette chez les médecins et leur prescription de la vapoteuse chez leurs patients fumeurs ?
Si les médecins demeurent partagés sur l’intérêt de la vape dans l’arrêt du tabac, les recommandations du Haut Conseil de Santé Publique et de l’Académie de Médecine - qui soulignent que sa toxicité est très inférieure à celle de la fumée de cigarette et qu’il n’y a pas de raison de ne pas la conseiller en usage exclusif aux fumeurs qui souhaitent l’utiliser pour arrêter de fumer — ont convaincu beaucoup d’entre eux que c’était un nouvel outil dans la panoplie du sevrage tabagique. Elle est sans doute, davantage utilisée par les plus jeunes des praticiens et futurs médecins. Dans une étude récente menée parmi les étudiants en médecine de l’université de Limoges 4,9 % d’entre eux, en avait un usage régulier (chaque jour à plusieurs fois par semaine) en analyse univariée les variables liées à l’utilisation de l’e-cigarette était l’âge, le sexe masculin, le tabagisme des parents. [6-7].
1- Pasquereau A, et al. BEH 2020;14:274-81
2- Andler R, et al. Etudes et Enquêtes. Santé Publique France. Octobre 2017.
3 - https://www.tabac-info-service.fr/ - 39 89.
4 - Perriot J, et al. Rev Mal Respir 2012 ; 29 : 448-61.
5 - Reynaud M, et al. Traité d’Addictologie, Lavoisier Médecine, 2016.
6 - Haut Conseil de la Santé Publique. Avis relatif aux bénéfices-risques de la cigarette électronique ou e-cigarette étendus en population générale, 22 février 2016, 26p.
7 - Colosio A. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01575131
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